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Un film de Ursula Meier

Un conte du désespoir annoncé

Une famille habite en bordure d’une autoroute qui aurait dû ouvrir il y a plus de dix ans. Une certaine sereinité semble animer l’ensemble de ses membres, qui apprécient cet isolement et profitent, chacun à leur manière, du bitume comme d’une extension du jardin. Mais cela devait arriver: un beau jour les hommes de chantier débarquent, et bientôt les premières voitures circuleront sous les fenêtres…

« Home » commence comme une chronique familiale ancrée dans une certaine forme de bonheur quotidien. Situé dans une époque préalable à l'été, le récit montre une famille unie, qui malgré les problèmes de communication liés notamment à l'adolescence ou à la non activité de la mère, affiche une certaine qualité de vie à laquelle l'autoroute abandonnée procure un charme décalé. Mais rapidement, les vacances vont se transformer en cauchemar, révèlant au passage les caractères et les rancoeur, et provoquant l'enfermement progressif de la mère. Un paradoxe de fait, puisque l'autoroute serait censée les relier au reste du monde.

En choisissant de placer ses personnages dans un isolement total (on aperçoit à peine d'autres êtres humains, dont les ouvriers du chantier) Ursula Meier décrit ainsi une sorte de perte du paradis, doublée d'un subtil message sur la modernité et le passage forcé à un nouveau type de civilisation. Bien sûr, le scénario ne manque pas de saugrenu, la coupure générée par l'autoroute perturbant les déplacements de la famille (difficulté d'aller à l'école / risques d'écrasement du goûter / voiture stationnée de l'autre côté..). Mais il met en scène des personnages humains et crédibles, comme la fille aînée, adepte de musique hard-rock et de tenues légères, que le contact visuel et auditif avec les voitures va forcer à réintégrer un noyau familial déserté pour cause de phase rebelle adolescente.

Face au bruit envahissant (pièces inutilisables / mauvaise humeur...), c'est peu à peu le silence des humains (notamment de la mère) qui s'installe, et la vie qui s'en va. Un point de vue à la fois humain et politique qui a valu au film une présentation en séance spéciale à la Semaine de la critique 2008. Une réussite.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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