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HERETIC

Un film de Scott Beck, Bryan Woods

Hugh Grant comme vous ne l’avez jamais vu

Soeur Barnes et Soeur Paxton font du porte à porte dans une petite ville du Colorado. Alors que leur seul but est de propager la bonne parole de la religion mormone, elles en viennent à frapper chez un vieil homme qui semble particulièrement intéressé. Elles se retrouvent malgré elles piégées dans une conversation théologique qui semble se diriger de plus en plus vers quelque chose de plus sombre…

On ne peut pas dire que le duo Scott Beck et Bryan Woods en tant que metteurs en scène soit un cheval sur lequel on voudrait a priori parier. À l'œuvre sur le scénario de "Sans un Bruit" en 2018 mais aussi metteurs en scène sur le sympathique "Haunt" en 2019 puis l’horrible navet avec Adam Driver contre des dinos (mais en fait non) "65 - La terre d’avant", leur nom n’inspire pas la plus grande des confiances. Oui ils ont pondu quelques scripts malins, mais toujours un peu bancals avec plus grands yeux que grand ventre au vu du peu de moyens souvent déployés, que ce soit au niveau purement budgétaire que des talents impliqués (ou son manque justement). Mais avec ses bandes annonces efficaces et la promesse d’un numéro mémorable de Hugh Grant en méchant tortionnaire, on pouvait arriver dans la salle avec une curiosité certaine.

Là où le duo avait tendance à survendre un concept avec ses deux précédents métrages pour n’en faire quasiment rien (une tendance à retomber comme un soufflé passés l’exposition et les éléments perturbateurs), on peut noter sur ce nouveau métrage une amélioration au niveau de la caractérisation des personnages, mais aussi une capacité à déployer son concept jusqu’à certaines limites. Ou comment éviter de nous re-pondre une promesse non tenue comme avec leur précédent film (c’est toi qu’on juge "65-La terre d’avant"). Premièrement ils réussissent l’introduction de ces deux missionnaires de l’église mormone avec une écriture qui semble enfin comprendre le sous-entendu et les non-dits ; une discussion d’abord filmée de dos sur un banc avec les deux jeunes filles discutant du porno. Une assez intrigante mise en bouche et la belle découverte des deux jeunes actrices, Sophie Thatcher vue dans le sympathique "Le Croque Mitaine" de Rob Savage et Chloe East dans rien de moins que le splendide "The Fabelmans" de Steven Spielberg. L’une est réservée mais lucide quant à la réalité de la vie et l’autre plus timide et candide, prête à tout pour s’intégrer.

Ensuite, très vite, en tant que spectateur habitué de ce type de production on aura tendance spéculer sur qui survit et qui s’en sort. Le film se fera un malin plaisir de jouer d’effets de manches et de petits twists plus ou moins convaincants mais qui auront toujours le mérite d’explorer en profondeur la psyché de ses personnages. C’est peut être là leur premier long métrage qui s’intéresse enfin aux êtres qu’ils laissent déambuler dans leur récit au lieu de ne les voir que comme des outils (non pas que certains de leurs tics de narration soit complètement effacés).

Leur mise en scène embrasse parfaitement leur propos et regorgent de petites idées intéressantes, ce qui constitue là encore une belle progression pour le duo ! Mais le film pèche par un dernier tiers peu satisfaisant, retombant dans une volonté de sur-expliquer tout, alors que le mystère entourant ce Monsieur Reed faisait le sel de l’ambiance du film jusque-là ainsi que son fond. Les séquences de ping pong théologique entre les deux héroïnes et leur hôte accueillant sont assez croustillantes et bien vues pour qu’on soit happés par ces échanges purement verbaux. Et entre la prestation quasi parfaite d’un Hugh Grant qui prend un malin plaisir à jouer ce personnage tordu et intelligent, et des cadrages qui essayent d’être autre chose que du simple champ contre champ, le plaisir est total et la tension à son comble. On ne reviendra pas sur le dernier tiers qui démystifie comme il faut beaucoup d'éléments et enfonce une sacrée porte ouverte parce qu’on souhaite vous laisser la surprise. Venez pour les frissons et restez pour tonton Hugh.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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