GREEN NIGHT

Un film de Han Shuai

Dans la chaleur (relative) de la nuit

Rigoureuse agent de sécurité à l’aéroport de Séoul, Xia est régulièrement violentée par un époux aussi instable que fanatique religieux. Le jour où elle croise une jeune femme aux cheveux verts tentant de transporter de la drogue par vol aérien, son quotidien bascule, le temps d’une nuit dans les bas-fonds de la société coréenne…

D’entrée, le canevas grille ses principales cartouches : deux femmes que tout oppose (dont l’une semble servir autant de double fantasmé que d’ange exterminateur aux yeux de l’autre), un quotidien chamboulé au détour d’une virée commune qui prend très vite des allures de parcours intime et mental (cette femme aux cheveux verts et sans nom existe-t-elle réellement ?), une ébauche de fuite en avant vite transfigurée en perspective d’émancipation, sans oublier le petit apéritif lesbien pour teinter d’homo-sensualité une relation jusqu’alors suffisamment ambiguë en l’état. Deuxième film de la réalisatrice Han Shuai après "Summer Blur", ce thriller féministe sur fond de domination masculine ne fait que reprendre un schéma déjà exploré par tant de drames récents, focalisés sur le même sujet et surtout plus aptes à en transcender les poncifs. Rien n’échappe à la plus basique des caractérisations, allant des personnages aux enjeux du scénario en passant par l’inévitable « réveil du lendemain » qui floute la perception que l’on a pu avoir de la nuit passée. Tendu et oppressant, "Green Night" se rêvait sûrement ainsi, et sa réalisatrice fait parfois montre d’une certaine maîtrise visuelle propice à un léger sentiment d’envoûtement. Il manque hélas tout ce qui était essentiel à susciter le trouble.

On aura beau louer la bande-son électro (souvent planante) et deux actrices pleinement investies (dont la star chinoise Fan Bingbing, connue pour sa célèbre « disparition médiatique » il y a quatre ans), le résultat met un point d’honneur à tiédir toute perspective de trouble bouillant, à couper net tout début de tension, voire à enfiler les clichés à deux balles pour tenter de faire avancer l’intrigue (acquérir son indépendance financière par la vente de drogue, pitié…). Il y a certes un sous-texte critique des plus évidents sur une société coréenne encore empreinte de misogynie, où la femme serait contrainte à n’exister qu’à l’état d’entité soumise aux pires archaïsmes (dont le foyer et la religion) et dans une obligation consistante de devoir se faire pardonner d’incarner un soi-disant « péché » (c’est au travers d’une effroyable scène de viol que cette notion-là se retrouve soulignée). Mais hélas, cette façon qu’a la réalisatrice de combiner une love-story aussi expédiée que peu crédible à une symbolique beaucoup trop vague (quid de cette couleur verte quasi omniprésente ?) fait passer tout le récit pour un trajet sans direction précise, peu enclin aux interprétations multiples et lancé à vitesse pépère dans un monde rongé par le besoin de dominer l’autre. On pouvait vraiment espérer mieux.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire