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LES GRANDES ONDES

Un film de Lionel Baier

Si le Portugal m’était conté

1974. Le directeur de la SSR (société suisse de radiodiffusion et télévision) est convoqué dans le bureau d’un conseiller fédéral. L’heure est grave : il faut faire passer des messages positifs au peuple suisse. Ni une, ni deux, le directeur envoie sur le terrain deux de ses meilleurs journalistes pour faire un reportage sur les bénéfices de l’entraide suisse au Portugal. Malgré eux, ils tomberont en plein milieu de la révolution des œillets et rapporteront le reportage qui consacrera leur carrière…

Non, la Suisse n’est pas qu’un pays de chocolat, montagne, montres et d’exode fiscal. C’est aussi un pays de cinéastes, qui sont autant capables de nous émouvoir (comme Ursula Meier avec "L’Enfant d’en haut") que de nous faire rire. Et c’est le cas de Lionel Baier, avec cet ovni qu’est "Les Grandes ondes (à l’ouest)". Avec finesse, il manie l’autodérision pour se railler des clichés suisses mais surtout du paternalisme (ou néocolonialisme, à votre choix) dont a fait preuve son pays envers, entre autre, le Portugal. À travers l’histoire de ces deux journalistes, il balade sa caméra dans un Portugal qui n’a pas attendu la générosité helvétique pour avancer, et faire sa révolution.

Et sous ses allures de comédie légère, au parfum de naphtaline et costumes de crêpe, Baier réussit un double tour de force : rendre intéressante une révolution qui n’a duré que trois jours et à laquelle le cinéma ne fait quasiment jamais référence, mais surtout d’aborder avec humour et sans moquerie un sujet politique terriblement d’actualité : à savoir la chute d’un régime et la révolte d’un peuple. Serait-ce pour le réalisateur une manière de rappeler la fragilité de la liberté et de la démocratie ? Peut être.

Néanmoins, "Les Grandes ondes (à l’ouest)" est avant tout une comédie, et Baier réussit son pari de nous faire rire et sourire tout au long du film. En plus des dialogues affûtés entre les quatre compères de route, le tandem explosif Donzelli / Vuillermoz fonctionne divinement bien. L’opposition entre la Suisse qui avance représentée par Valérie Donzelli en journaliste féministe, et la Suisse d’antan interprétée par un Michel Vuillermoz, sorte de gloubiboulga entre un Tintin reporter, auquel on aura ajouté la mémoire défaillante et la maladresse de Tournesol et le machisme du capitaine Haddock, est drôlissime. Pour continuer dans la légèreté, Baier a rythmé son film de musiques de Gershwin, qui donne à son film des allures de "West Side Story" (notamment dans la scène d’affrontement entre les révolutionnaires et la police). Si on ajoute à ça, une note de nostalgie et des décors vintage à souhait, on se croyait presque dans un épisode des "Messages à caractère informatif" (émission des années 90 qui détournait les clips d’entreprises des années 80, diffusées sur Canal+). "Les Grandes ondes (à l’ouest)" est un petit bijou drolatique, surprenant et rafraîchissant.

Véronique LopesEnvoyer un message au rédacteur

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