GRAND THEFT HAMLET

Sortie le 21 février 2025 sur Mubi

Ce n’est pas ici que nous allons vous rappeler à quel point la pandémie de COVID-19 a mis des bâtons dans les roues de l’économie du spectacle, pour utiliser un euphémisme. On parle souvent des conséquences au niveau du monde du cinéma avec chute de rentabilité, système en fin de course et un public qui a pris son temps avant de réinvestir les salles obscures. Alors imaginez la situation pour ce qui est du théâtre ou autre spectacle scénique. Et avant de dresser des bilans économiques à base de variables et de chiffres, il ne faut pas oublier qu’il y a des êtres humains derrière tout ça. De braves gens qui du jour au lendemain ne peuvent plus remplir leur frigo. Et c’est dans ce contexte que le film documentaire "Grand Theft Hamlet" plante son décor.

Sam Crane et Mark Oosterveen sont deux acteurs et amis déboussolés par la situation ; Sam a la pression de subvenir aux besoins de sa famille et Mark est un célibataire qui plonge petit à petit dans un quotidien répétitif, morne et surtout solitaire. Alors que leur moral est au plus bas, ils ont tendance à se retrouver sur le mode multijoueurs en ligne du jeu vidéo "Grand Theft Auto" (saga vidéoludique initiée par Rockstar en 1997). C’est pour eux une évasion face à un futur de plus en plus incertain. Leur vient alors l’idée de monter une pièce de théâtre à l’intérieur de ce monde ouvert virtuel avec tout ce que ça implique : casting, repérage de lieux, etc. Pour celles et ceux qui ne sont pas habitués à la franchise Grand Theft Auto (GTA), il s’agit d’une série de jeux mettant en scène un personnage principal lié d’une manière ou d’une autre à un gang, une mafia ou une famille douteuse et qui rencontrera diverses péripéties à travers un monde ouvert (entendez par là que le joueur a la sensation de pouvoir faire ce qui lui chante) foisonnant de villes corrompues et de plages luxuriantes. Le tout baigné dans un politiquement incorrect jouissif et une violence digne des films de gangster tels que "Scarface" ou "Les Affranchis".

Alors que le film a déjà eu droit à quelques sorties en salles aux États-Unis, cet OVNI arrive enfin chez nous sur MUBI en ce 21 février 2025. Alors qu’en est-il de ce projet barré et inclassable ? Véritable pépite ou juste pari risqué ? Pinny Grylls, la compagne de Sam Crane, embarque dans ce projet en tant que réalisatrice, et l’angle prit par le trio pour nous présenter leurs aventures rend l’ensemble stimulant. Ne vous attendez pas à voir telle quelle une pièce de théâtre confectionnée à l’aide de moments capturés dans le jeu (il y en a, on vous rassure), le film relate plus le voyage improbable d’amis qui ne veulent pas laisser leur passion mourir. Le long-métrage s’attarde alors autant sur ces figures réelles et leurs problèmes concrets (des greffiers qui harcèlent) que sur leur tentative folle de réaliser l’impossible.

En créant une lettre d’amour au médium vidéoludique (n’en déplaise à Yann Moix), ils nous plongent dans cette synergie folle que seul le jeu vidéo peut apporter de façon si universelle. On a droit alors à de vrais moments hilarants comme avec ces « vraies » auditions où des utilisateurs du monde entier connectés sur le service vont s’amuser à se rendre ou la localisation des lieux qui offre des money-shots à la minute. Parce qu’en plus de pouvoir se reposer sur les qualités techniques irréprochables du titre de Rockstar, le trio parvient à insuffler une vraie sensibilité à cette histoire folle et a priori irracontable. Quand on se surprend à pleurer à la fin alors qu’un extraterrestre saute en arrière plan malgré la tragédie qui se déroule devant nous, on se dit qu’ils ont forcément réussi leur coup. Au final le film est une véritable lettre d’amour au pouvoir de la communauté virtuelle d’une telle saga, à Shakespeare et son œuvre universel capable d’être adaptée de la sorte et à l’amitié et son pouvoir qui telle une déferlante arrive à emporter tout sur son passage pour le recouvrir d’or.