GRAFTED
La beauté vient de l’intérieur
Quelques années après la perte tragique de son père, Wei part étudier en Nouvelle-Zélande grâce à l’obtention d’une bourse au mérite. Elle s’installe chez sa tante et reprend contact avec cette dernière et sa cousine qu’elle ne connaît pour ainsi dire pas. Entre l’intégration dans sa fac et sa nouvelle routine, Wei, qui excelle en classe, lutte pourtant tous les jours avec elle-même, car elle a honte d’une particularité de son visage qu’elle cache avec ses cheveux. Mais l’héritage de son père et un professeur attentif vont tout faire basculer…
"Grafted" est le premier long-métrage de la réalisatrice néo-zélandaise Sasha Rainbow (qu’elle a également co-écrit). Remarquée en 2018 avec un court-métrage documentaire, "Kamali", elle arrive sur nos écrans avec une proposition à la croisée entre un "Lolita malgré moi" (le film girly méchant de Mark Waters sorti en 2004) et un film gore (oui oui les deux se mélangent). Le point de départ de l’histoire est assez classique : une nouvelle arrivante dans un établissement scolaire est confrontée au besoin irrépressible de s’intégrer dans la masse. Ici Wei est tout autant confrontée à la difficulté de démarrer une nouvelle vie dans un nouveau pays loin de ce qui lui rappelle sa famille, qu’à la difficulté de faire fi de sa différence physique alors que tous les regards ou presque le lui rappellent. Son atout c’est son intelligence, qualité qui est également mal vue dans les amphis où les élèves la méprisent en disant « elle a des bonnes notes, normale elle est chinoise ». Sasha Rainbow embrase l’imagerie qui nous rappelle les années lycées ("Lolita malgré moi" mentionné plus haut ou "Jennifer’s body" de Karyn Kusama, sorti en 2009) en plaçant son récit entre les couloirs de la fac et un lotissement de banlieue aisée, et en nous présentant surtout une bande de filles populaires, qui sont toutes des modèles à atteindre : jolies, stylées, mordantes et parfois méchantes.
Le film nous surprend alors dans sa façon d’intégrer le malaise peu à peu : il y a d’abord cette cousine et sa bande de copines, qui sont aussi mal à l’aise en présence de Wei, que Wei les admire. Il y a ensuite ce professeur de fac beau gosse et opportuniste qui voit en Wei une façon de rester au sommet et de briller dans la communauté scientifique, enfin il y a tout simplement Wei qui dans sa quête de la beauté devant lui apporter la normalité dont elle rêve (car la beauté est la norme) va pousser les curseurs toujours plus loin. Il est difficile de savoir si Wei souhaite intimement la beauté ou si c’est son héritage paternel qui est trop lourd et qui la pousse dans cette direction. D’ailleurs dans le film les figures masculines sont absentes au mieux, pathétiques sinon. C’est bien une histoire de femmes de chercher à exister à tout prix parmi les standards changeant de la beauté. Le film rappelle "The Substance" (de Coralies Fargeat), qu’on ne présente plus, dans cette approche miraculeuse de la science qui redonne la beauté.
Jess Hong (plutôt habituée des séries et notamment un des rôles titres du "Problème à 3 corps" de Netflix), qui interprète le rôle principal, arrive à rendre compte des transformations mentales et physiques de Wei et donne corps à ce film. Mention spéciale aux effets spéciaux qui rendent le tout bien visqueux et sanguinolent, avec des scènes inventives (vous avez déjà vu quelqu’un éplucher de la peau vous ?) et à la bande son électro composée par Lachlan Anderson qui appuie là où ça fait mal. Quand on vous dit qu’il faut souffrir pour être belle, ici on parle littéralement.
Océane CachatEnvoyer un message au rédacteur