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FRÈRES DE SANG

Un film de Kang Je-gyu

Un film de guerre qui ne ménage pas la sensibilité du spectateur

En 1950, un robuste cireur de chaussure voit son jeune frère, beaucoup moins vaillant que lui, être enrôlé de force dans l’armée sud-coréenne pour défendre leur pays contre l’invasion communiste. Il décide alors de s’engager à ses côtés afin de veiller sur lui et de le ramener sain et sauf à la maison, afin qu’il puisse vivre le brillant avenir auquel il est promis. Mais l’horreur de la guerre va mettre en péril leurs valeurs communes, leur raison et finalement leur amour…

Avis à ceux que la vision du sang ou de bras déchiquetés fendant l’air répugnent : passez votre chemin ! Sans quoi la vision de ce film sera pour vous un pénible exercice où vous tenterez de fermer les yeux tout en vous bouchant les oreilles à chaque scène de combat, soit environ 2 heures sur les 148 minutes que dure le film. Car Tae Gukgi est avant tout un film de guerre, et le réalisateur Kang Je-gyu n’a à l‘évidence pas pour projet de ménager la sensibilité du spectateur.

Mais sa peinture du conflit coréen n’a pourtant rien d’un effet de style, et il se veut à l’évidence tristement objectif quant à la réalité de la guerre. Dans ce film, même les moments de bravoure sont effroyables, car les médailles ne se gagnent qu’au prix de la raison et de l’humanité. Et c’est cette dimension qui sauve le film de la vaste peinture de boucherie ; à aucun moment, l’histoire ne sombre dans la facilité des clichés héroïques ou dans la propagande « habilement » dissimulée.

Car le spectateur s’attache très vite à ces deux frères qui s’aiment d’un amour hors norme, et il passe avec eux du camp des sud coréens à celui des communistes. L’ enjeu idéologique est très vite balayé par un enjeu autrement plus crucial : l’humain. Très vite on oublie la question du bon ou du méchant, pour se concentrer sur cet amour fraternel qui lui même finit perverti par la guerre. Car ce que nous montre le réalisateur, c’est la fraternité qui tutoie l’inhumain, l’instinct de survie qui finit inéluctablement par provoquer sa propre mort : mort de la dignité, mort du sentiment, mort de la raison.

Kang Je-gyu réussit dans son film le pari de présenter toutes les évolutions possibles qu’un homme peut connaître lorsque sa vie normale s’efface pour laisser place à une réalité qui lui échappe : la mort, non seulement, dans toute sa sauvagerie, mais également la folie, l’échec de la raison qui peut pousser à commettre ce que l’entendement peine à imaginer.

Porté par deux acteurs extrêmement justes et charismatiques, l’histoire nous entraîne donc dans le cœur de la guerre, là où même l’homme le plus inoffensif peut abandonner toutes ses valeurs pour sa survie ou pour la survie de ceux qu’il aime. Certes le scénario n’est pas sans rappeler des films comme « Il faut sauver le soldat Ryan » ou encore « Stalingrad », mais Tae Gukgi parvient néanmoins à se distinguer des traditionnels films de guerre en poussant sa réflexion jusqu’à ses limites. A voir donc, le cœur bien accroché, mais à voir !

Delphine MuhlbacherEnvoyer un message au rédacteur

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