FRANCE, UNE HISTOIRE D'AMOUR
Un documentaire redondant et superficiel, qui perd son objectif en route
Synopsis du film
Yann Arthus Bertrand part sur les routes, en compagnie de Michael Pitiot et d’un preneur de son, à la rencontre de ceux qui « font des choses pour les autres », et qui représentent ce qu’il aime en France. L’occasion de faire au passage des séances photos…
Critique du film FRANCE, UNE HISTOIRE D'AMOUR
Si "France, Une Histoire d’Amour" évoque rapidement quelque chose, c’est que deux autres metteurs en scène ont déjà fait la même chose, en bien mieux et surtout beaucoup plus documenté ou beaucoup plus émouvant. Le photographe Yann Arthus Bertrand, auquel on doit quelques très beaux documentaires, dont, vus du ciel, "La Terre vue du ciel" et "Home", sensibilisant à la beauté menacée du monde, part donc sur les routes de France, dans une démarche intermédiaire à celle d’un autre photographe, Raymond Depardon ("Journal de France") et à celle d’un autre documentariste cherchant des solutions positives à la crise environnementale, Cyril Dion ("Demain"). De cette posture entre deux, naît un survol peu argumenté de multiples sujets, du social à l'environnemental, où l’écoute de l’autre se voudrait l’argument, perdant ponctuellement son propre objectif, et au final passablement superficiel sur le fond.
On pourra rapidement se poser la question de la mise en scène d’Arthus Bertrand lui-même dans le documentaire, tant il semble peu documenté et souvent à court du moindre argumentaire, les échanges virant ponctuellement à des discussions de comptoir. Passant tellement rapidement d’un sujet à l’autre, quasiment aucun n’est finalement développé, et même les séances photos, très ponctuelles, ne semblent là que pour rappeler qu’il y a aura sans doute un livre à la clé. De ceux qui aident les migrants ou les SDF, aux questions de gaspillage alimentaire, de circuits courts ou d’agriculture bio, on survole ensuite la question du loup et des bergers réduite à une pseudo altercation qui ressemble plus à un dialogue de sourds, puis une expérience théâtrale inclusive présentée comme « unique en France » sans aucune justification, un fast-food social, ou un blocage du périphérique...
Mais ce qui agace finalement le plus ce sont les passages inutiles, n’apportant absolument rien sur le fond, autour d’un professeur et d’enfants, d’un preneur de son pris à témoin ou se plaignant de bruits qu’on ne perçoit pas, ou d’un homme plaidant pour une remise en cause de la PAC, sans qu’on prenne la peine d’expliquer un minimum pourquoi (potentiellement la répartition et les objectifs de certaines aides). À force d’absence de temps de débats ou d’exposition des arguments, au delà de simples situations ou actions, on en vient même à se demander si "France, Une histoire d’amour" ne va pas finalement avoir un effet contre productif et servir les opposants à l’Europe (on laisse quand même ici l’expression « génocide paysan » sans aucun contrepoint), et tous ceux qui carburent aujourd’hui à la colère et votent à l’extrême droite, et qui haïssent ceux qui s’en sortent mieux qu’eux (l’auteur lâche un « je ne comprends pas qu’on ne mange pas tous bio » tellement facile…). Car ici selon l’un des témoins « c’est la colère qui fait avancer » (on est là très loin de l’intention de départ).
Se lancer dans une démarche en apparence proche de celle de Cyril Dion avec "Demain", plus de 10 ans après, et accoucher d’un catalogue de raccourcis et de solutions non expliquées ne sert en rien l’intention humble de départ. Heureusement de rares contrepoints viennent éclairer d’autres discours, avec une touchante rencontre avec des agriculteurs qui ont appris autrement (avec les traitements) et ont vécu durement le passage au bio (en termes d’heures de travail), ou avec la force des échanges finaux entre les jeunes du barrage filtrant sur le périphérique et les automobilistes croisés, montrant un mélange d'exaspération et de compréhension. Interrogeant enfin sur la question des échelles d’action, sur la question de l’union et des nouvelles formes de rébellion, le film gagne alors un peu en sincérité, comme également lorsque Arthus-Bertrand affirme avec justesse, au détour d’un plan, que « le luxe c’est le temps ». Des sujets qu’on aurait peut être aimé voir creusés, au lieu de nous resservir un digest de "Demain" et autres documentaires positifs, mal digérés.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur




