FOTOGENICO
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Raoul débarque à Marseille afin de comprendre qui était sa fille défunte. A mesure qu’il recolle les pièces du puzzle, il découvre qu’elle avait enregistré un disque avec une bande de filles. Son seul objectif est désormais de reformer ce groupe à tout prix, mais aucune des filles en question n’est emballée par l’idée…
Un cinéma qui se veut « libre », c’est bien joli, c’est même souvent signe d’une vitalité propice à redynamiser le naturalisme ronflant de notre cinéma d’auteur local, mais à condition que la direction (ciblée) aille de pair avec la démarche (préparée). Sur la base d’un pitch archi-rebattu (un individu se rend compte qu’un membre défunt de son entourage n’était pas celui qu’il semblait être), les deux réalisateurs de "Fotogenico" concoctent un scénario d’entrée bancal qui, en raison d’un enjeu aussi simpliste que prévisible dans son issue, nous fait vite envisager le fait qu’il va tourner en rond. Quête initiatique ? Recherche de rédemption ? Besoin de néo-filiation ? Errance sur fond de deuil impossible à exorciser ? Métaphore de la musique comme trace d’éternité ? On ne sait jamais sur quel pied danser là-dedans, tant le film court plusieurs lièvres à la fois tout au long d’un scénario mal conjugué au futur antérieur. Et la forme n’aide que très modérément à faire pencher la balance du bon côté, les partis pris radicaux du chef opérateur (texture crypto-argentique, éclairages flashy qui flattent la rétine, décors et costumes inondés de contrastes pastel) ayant davantage d’impact que des choix de mise en scène qui tombent à plat une fois sur deux (fausse bonne idée : le coup du zoom avant/arrière pour accompagner un trip sous acide !).
Il y aurait aussi pas mal à redire sur cette « génération perdue » que le film ne cesse de vouloir mettre en avant et/ou en valeur, tant elle se résume ici à une galaxie de satellites sans affect, tournant en orbite autour du moustachu Raoul (un Christophe Paou dirigé un peu à l’aveugle). Ce qui s’en dégage est hélas moins la cristallisation d’une génération future porteuse d’espoir que la simple enfilade d’interactions plus ou moins bigarrées qui se suivent alors sans se ressembler, allant d’un couple de disquaires lesbiennes à une bagarreuse en pantalon de Bruce Lee en passant par un faux avocat chelou et une mystérieuse nymphette en rollers (l’ultra-sensuelle Roxane Mesquida). Et quand la scène finale tente d’amener le trajet du héros vers sa concrétisation souhaitée, ce n’est que pour enfoncer le clou d’un fort sentiment de surplace no future, via lequel chacun tend à s’agiter en solo avant la redescente – le « réveil brutal » est ici un gimmick narratif qui se répète ad nauseam. Pour autant, le plaisir d’une ballade improvisée aura su rester là jusqu’au bout, ne serait-ce parce que Marseille aura rarement été filmée de cette façon, capturée dans toute son aura multiculturelle, le long de vieilles ruelles en pente, de plages solaires à gogo, de squats éclairés au néon et de terrains vagues lardés de graffitis. C’est uniquement là-dessus que "Fotogenico" valide son titre.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur