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Tout juste débarqué en ville sans le sou, Raimundo Nonato trouve un job dans un restaurant sans prétention. Malgré son air imbécile, il apprend vite à faire les meilleures croquettes du quartier, talent qui lui attire l’attention de la prostituée Iria…

Deux tranches de vie servies dans une même assiette, qui dit mieux ? Derrière son côté nunuche affiché joyeusement sur le visage, Raimundo Nonato trace sa route avec une intelligence parfaitement involontaire. Ni profondément mauvais, ni machiavélique, seulement humain. Lorsqu’il débarque dans une ville brésilienne dénuée de nom, il se pointe dans un troquet minable, commande un verre d’eau et une paire de croquettes, et attend la dernière seconde pour annoncer au chef qu’il n’a pas le sou. Pas d’argent, mais des mains valides : le voilà qui se lance d’abord dans la vaisselle pour compenser, ensuite dans la cuisine pour améliorer le quotidien, sous l’égide du chef en question. Il ne sait rien faire mais apprend vite ; une ellipse suffit à recouvrir la table de travail vide par ces croquettes au poulet délicieuses, et la salle inoccupée par une tripotée de clients amateurs du divin met.

En alternance, on découvre le parcours de Nonato en prison, dans une cellule remplie des pires loubards possibles. Il se fait rapidement une bonne place en apportant à ce quotidien déprimant une part de tarte au bonheur, ses talents de cuistot lui permettant d’agrémenter les plats peu ragoutants du pénitencier de quelques épices idéalement choisies. La mayonnaise prend bien, le leader de la chambrette apprécie cet écart à la déprime et lui fait monter doucement l’échelle sociale de la prison, symbolisée par les lits superposés – plus haut le lit, plus important le pouvoir.

Dans la société comme en prison, la vie s’organise pareillement autour de rapports de forces violents et cruels, dont Nonato parvient à se détacher grâce à son amour de la cuisine bien faite. Dans un cas comme dans l’autre, il est nécessaire d’évoluer, d’avancer, de répondre, comme l’affirme Nonato à son ancien chef à l’occasion d’une visite, aux « lois du marché ». D’un pauvre hère, Nonato se métamorphose en star d’un quartier et en amoureux transi d’une prostituée, jusqu’à commettre le crime qui l’emmènera en prison et dont nous ne connaîtrons qu’en toute fin de long-métrage les tenants et les aboutissants. La structure en alternance est plutôt bien vue : qu’il surnage dans la cuisine d’un troquet ou entre les terreurs d’une prison, Nonato trace sereinement un même bonhomme de chemin, allant crescendo jusqu'au sommet, en remplissant symboliquement les tables des uns et des autres. Peu importe le crime : seul le trajet compte. C’est la morale de cette histoire plutôt bien emballée mais qui, au-delà d’un prologue punchy autour du gorgonzola, finit par perdre rapidement de sa saveur.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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