ENTRONCAMENTO

Un film de Pedro Cabeleira

L’appel interlope de la nuit

Synopsis du film

Fuyant un lourd passé, Laura se réfugie dans une nouvelle ville pour reconstruire sa vie. Mais rapidement, ses démons ressurgissent, et rester sur le droit chemin sera moins simple que prévu…

Critique du film ENTRONCAMENTO

Si vous êtes déjà partis en vacances au Portugal, il est plus que probable que vous ne soyez pas passés par ''Entroncamento''. D’ailleurs, il n’est pas facile de trouver la ville sur une carte, celle-ci étant la deuxième plus petite municipalité en superficie du pays. Mais pour Laura, la cité résonne comme un chant d’espoir, comme un possible nouveau départ, une renaissance loin de son tumultueux passé. Malheureusement, malgré sa bonne volonté, l’attrait de l’argent facile se fait plus fort que celui des pantoufles et de la monotonie d’un quotidien dans les cases. Plus l’obscurité de la nuit s’abat sur la commune, plus la caméra de Pedro Cabeleira nous éclaire sur un microcosme des laissés pour compte, où chaque croisement de rue peut devenir un danger, où chaque décision incarne la dualité entre ce qu’ils ont toujours été et ce qu’ils aimeraient, voire même pourraient, devenir.

Portrait troublant et étonnement délicat d’une jeunesse prise en otage d’une réalité qu’ils n’arrivent pas à fuir, le film séduit par son refus de plonger dans les clichés du thriller de gangsters. Pourtant, tous les éléments classiques du genre sont bien là : les règlements de compte, les trahisons, la drogue, les armes à feux, les gros et les petits bonnets. Mais ici, ces codes de la rue ne sont pas glorifiés, les protagonistes ne sont pas des héros, ce sont avant tout des êtres qui déambulent dans les ruelles vides, où la violence n’est pas tant une porte de sortie que leur seule manière de s’exprimer. L’objectif ne s’attarde alors pas sur les coups de couteaux ou les bouches fracassées, mais bien plus sur les regards, sur les regrets qu’on ne dissimule pas, sur les failles qu’on ne peut cacher.

Plus drame social que chronique d’action, le métrage tient en haleine pendant plus de deux heures, précisément parce qu’il refuse tout sensationnalisme, détournant les images attendues d’une telle thématique pour les transposer sur une peinture naturaliste où le banal se sublime. Si l’ensemble aurait probablement gagné en puissance sans quelques longueurs superflues, l’ACID a une nouvelle fois démontré la qualité de sa sélection, à travers cette histoire de mafieux réinventée, où le personnage principal n’est pas seulement une femme qui évolue dans un monde d’hommes, mais l’élément qui transforme les règles et impose de nouveaux jeux de pouvoir. Une œuvre moderne et intelligente dont la présence sur la Croisette est pleinement méritée.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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