EN PREMIÈRE LIGNE
L’attendu hommage aux soignants
Floria, mère séparée ayant une fille, Emma, travaille dans un hôpital en suisse allemande. Son service fait presque le plein avec vingt cinq patients et un manque d’effectifs, puisqu’elles ne sont que deux infirmières pour le prochain tour de garde. Alors qu’on lui demande de prendre en charge un patient supplémentaire, la journée s’annonce difficile…

On a beaucoup parlé du temps du Covid du courage et de la dévotion des personnels soignants. Les hommages s’étaient multipliés de la part des citoyens comme des politiques, mais furent bien vite oubliés au lendemain de l’épidémie. Ce film suisse enfonce le clou en rappelant que 36% des infirmiers/ières démissionnent dans les 4 ans qui suivent leur prise de poste et en immergeant le spectateur dans un service d’oncologie sous pression, auprès d’une infirmière expérimentée et d’une grande patience. Un personnage lui-même sous urgence, qui fait forcément penser à d’autres, comme celui de Laure Calamy dans "À Plein Temps", ou de Marion Cotillard dans "Deux jours, une nuit", et que l’on suit principalement par d’habiles plans séquences d’une chambre à l’autre, donnant un aspect temps reel à certains moments de tension.
N’évitant aucun cas de figure difficile, le scénario aligne des patients aux enjeux différents (une dame qui ne sait pas où elle est, un patient francophone qui ne veut pas de la pause d’un tube gastrique, un vieil homme qui a besoin d’antidouleurs, un autre qui ne comprend pas pourquoi on ne trouve pas ce qu’il a, une jeune femme qui attend son traitement avec anxiété, un homme d’affaire en chambre privée qui se croit à l’hôtel…). Avec intelligence, le film donne à voir les interactions et les frictions liées aux attentes des uns et des autres, la présence médicale n’étant pas forcément au niveau de leurs espérances. Et au milieu, le personnage de Floria assure tous les rôles jusqu’à l’épuisement, servant de pivot, de relais, de source d’information ou de réconfort, quand ce n’est pas de défouloir…
Rythmé en diable, à l’image de la vigilance permanente de son personnage, "Late Shift" (rebaptisé en France "En Première Ligne") évoque aussi les problèmes internes, d’inexpérience de certaines infirmières ou de manque de disponibilité des médecins, toute comme les questions de responsabilité et l’impact des entourages des malades, ne laissant que peu de moments de répit. Voulant certes un peu trop embrasser tous les cas de figure, il n’en provoque pas moins l’émotion, interrogeant aussi par une belle évocation finale, sur qui réconforte ces personnels. Usant de symboles discrets, telles les chaussures usées dans le vestiaire, ce film nécessaire confirme également tout le talent de son interprète principale, Leonie Benesch, découverte dans "La Salle des Profs", sans qui le film ne serait sans doute pas le même.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur