EGOIST
Drame en demi-teinte
Entouré d’une bande d’amis homos, Kosuke entend parler d’un coach sportif célibataire qui pourrait bien être à son goût. Il prend alors contact avec le jeune Ryuta qui accepte de le voir pour l’entraîner. Au fil des rencontres, les deux hommes se rapprochent de plus en plus…

Le thème de l'homosexualité dans le cinéma japonais n’est pas fréquent. Il a même longtemps été tabou. Sur grand écran, on se souviendra notamment des films de Nagisa Ōshima "Furyo" (1983) et "Tabou" (1999). Plus récemment, citons la comédie homoparentale "Hush !" de Ryosuke Hashiguchi (2002) et le magnifique "L’Innocence" de Hirokazu Kore-eda, prix du scénario à Cannes en 2023. Même si l’homosexualité au Japon est tolérée, les couples gays ou lesbiens ne peuvent toujours pas s’unir civilement. Sa représentation dans la culture populaire est pratiquement inexistante. La société japonaise, qui préfère valoriser la sexualité hétéronormative, ne semble pas encore prête à accepter deux personnes de même sexe formant une cellule familiale unie, encore moins sur petits et grands écrans.
"Egoist", en cela, surprend. Certes, le film de Daishi Matsunaga suit les codes de la plupart des films japonais en adoptant un rythme lent, une certaine retenue dans les dialogues et en étant principalement introspectif avec des personnages qui se cherchent ou qui enfouissent profondément des secrets. Mais, de manière étonnante, l’œuvre transgresse plusieurs interdits. D’abord, celui de la nudité entre hommes en montrant frontalement la sexualité masculine (avec je vous l’accorde une certaine retenue). Celui aussi de la normativité d’un amour homosexuel, en montrant un couple heureux qui tente de se construire dans cette société aveugle et fermée.
C’est donc à une introspection, plus qu’à un exercice de film romantique, que se livre le réalisateur Daishi Matsunaga (également coscénariste). Jeunesse compliquée en campagne pour Kosuke, installation à Tokyo pour faire son coming-out et vivre plus librement, difficulté d’acceptation de l’homosexualité dans certaines familles, rôle du gay escort pour Ryuta montrant l’importance des pères de famille cachant leurs préférences pour les autres hommes, etc. "Egoist" est un joli plaidoyer pour la liberté d’aimer et la reconnaissance des couples de même sexe. Malheureusement, le gros point noir du film provient de l’émotion qui a du mal à se frayer un chemin de bout en bout. Et ce n’est pas en déviant dans sa seconde partie sur l’amour maternel de Kosuke pour Nakamura Taeko que cela changera quelque chose.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur