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EEPHUS, LE DERNIER TOUR DE PISTE

Un film de Carson Lund

Un joli projet qui tourne un peu à vide

Dans une petite ville du Massachusetts, des joueurs de baseball amateurs disputent une dernière rencontre sur leur terrain avant que celui-ci disparaisse pour la construction d’un établissement scolaire…

Directeur photo sur le récent "Noël à Miller's Point", Carson Lund est ici réalisateur, scénariste, producteur et monteur de son premier long métrage. Comme le film précité, il s’inscrit dans un collectif nommé Omnes Film, qui tente de renouveler le cinéma indépendant américain, par exemple en se réappropriant des genres et thèmes récurrents d’Hollywood (le film de Noël dans "Noël à Miller's Point", le film de baseball dans "Eephus") ou en mettant le collectif à l’honneur (devant comme derrière la caméra).

"Eephus" se situe dans un espace-temps limité : un terrain de baseball d’une bourgade reculée du Massachusetts, le temps d’une rencontre qui s’étale sur une journée, du matin à tard le soir. Cela forme une sorte de huis clos à ciel ouvert, qui donne l’opportunité à Carson Lund de filmer chaque recoin du lieu en question, comme pour épouser le regard nostalgique de ses personnages qui investissent pour la dernière fois leur terrain de jeu habituel, voué à la disparition.

On sent que le cinéaste filme avec tendresse tous les détails de son récit, des personnages aux objets, jusqu’à magnifier certains aspects comme le ferait un collectionneur amoureux de ce sport. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le protagoniste le plus touchant est Franny (délicatement incarné par Cliff Brake), un des rares spectateurs du match, immédiatement identifié comme un habitué du stade, habité par sa passion pour ce sport et ce lieu, observateur assidu et pointilleux qui finit par faire office d’arbitre de rechange. C’est aussi lui qui livre en voix-off des citations sur le baseball lors des très beaux chapitrages qui utilisent des cartons de score (lesquels font également figure de générique).

Bien qu’étant de plus en plus crépusculaire (littéralement puisque la nuit finit par tomber), l’image reste chaleureuse et douce. Mais à trop soigner son image et ses motifs, Carson Lund donne l’impression d’oublier de donner un peu plus de relief à son récit, qui enchaîne des fragments de partie et de journée dans une sorte de tourbillon qui finit par tourner un peu en rond. Dans ce dispositif, il devient difficile de saisir la personnalité et l’histoire de chaque protagoniste à force de passer constamment de l’un à l’autre, d’autant que la plupart d’entre eux adoptent une même attitude grincheuse et/ou dépitée, ce qui les différencie donc trop peu.

S’il paraît évident que "Eephus" n’a pas l’intention de faire comprendre les règles du baseball à ceux qui méconnaissent ce sport (malgré certaines explications comme celle concernant l’effet Eephus qui donne son nom au film), on peut rester perplexe tant on a le sentiment que les joueurs n’éprouvent pas (ou plus) de plaisir à pratiquer leur sport. Il est certes pertinent de vouloir désaxer le regard habituel en se focalisant plus sur les à-côtés que sur la balle de baseball (le banc de touche, les spectateurs, les joueurs qui cherchent la balle, ceux qui discutent sur le terrain en attendant qu’une balle soit frappée…), mais le tout devient très décousu. Et même assez ennuyeux.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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