EDDINGTON
Make Ari Great Again
Synopsis du film
Un shérif décide de se lancer dans une campagne électorale pour devenir le nouveau maire de la petite ville d’Eddington. Mais rien ne va se passer comme prévu…

Critique du film EDDINGTON
En deux films seulement (''Héridité'' et ''Midsommar''), Ari Aster était devenu le nouveau roi de l’horreur, s’affirmant sur une pente indépendante délaissée par les Jason Blum, James Wan et consorts. Son troisième métrage, ''Beau is afraid'', avait déjà initié un virage, celui de la comédie, à travers un trip psychédélique de plus de trois heures. ''Eddington'', qui amène le cinéaste pour la première fois en compétition au Festival de Cannes, confirme les velléités humoristiques du réalisateur, transformant une petite ville du Nouveau Mexique en un microcosme satirique de l’Amérique d’aujourd’hui.
À Eddington donc, les habitants ne sont pas ordinaires, ou alors ordinairement bêtes, complotistes, conservateurs. Car c’est bien le propos de ce western barré, affirmer que le pays de l’Oncle Sam a complètement perdu la tête, les théories invraisemblables devenant des sujets médiatiques, les remarques xénophobes, un élément de langage terriblement banal. Si le lieu n’est pas choisi au hasard, l’époque non plus, ce thriller excessif et explosif plongeant son action en mai 2020, au cœur de la pandémie du COVID et en plein temps fort du mouvement Black Lives Matter. Le Shérif Joe Cross (Joaquin Phoenix définitivement meilleur chez Ari Aster que chez Ridley Scott) refuse de porter le masque, notamment à cause de son asthme, mais surtout en raison de son idéologie politique. Après être devenu une petite star des réseaux sociaux, il va se lancer dans la course à la mairie, affrontant l’édile en poste (Pedro Pacal), accessoirement ex-partenaire de son épouse.
Si le pitch peut laisser penser à un triangle amoureux ou à une certaine linéarité narrative, il n’en sera rien. Chaque personnage se transforme en archétype, symbole d’une des nombreuses dérives de la société. Dans ce Far West pamphlétaire, on croise ainsi aussi bien des militants radicaux que des gourous en roue libre, des victimes de violences sexuelles comme des hommes à la masculinité toxique, les racistes côtoyant une jeunesse woke émeutière. Le problème, c’est que la farce tourne rapidement en rond, condamnant ses protagonistes à n’être que des pions sur un même échiquier, dont on comprend assez difficilement le message, tant celle-ci semble tous les condamner.
Cherchant à rédiger son propre Great American Novel (au point d’installer une de ses scènes dans un musée d’Histoire de la région), Ari Aster livre un résultat trop foutraque pour être passionnant, où la surenchère vaudevillesque finit rapidement par plus agacer qu’amuser. Et c’est finalement dans sa troisième partie que le film nous captive à nouveau, lorsque la nuit s’abat sur la ville. La frénésie des habitants se propage à la mise en scène, la blague se transforme en un survival intense, où la forme vient désormais épouser le fond : les repères sont brouillés, plus personne ne trouve sa place dans ce chaos total auquel les élites nous ont condamnés. Les agitations sont violentes, les troubles physiquement douloureux, la comédie s’efface devant les armes d’assauts et l’expression d’une rage qui dormait jusque-là. Cela ne sauve pas l’ensemble, mais nous offre de grandes séquences de cinéma. Virtuose de l’image, on a hâte qu’Ari Aster parvienne à les adosser à un scénario à la hauteur de son talent, en dehors du champ horrifique où il a déjà su sublimement les marier.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur