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LES ÉCLATS [MA GUEULE, MA RÉVOLTE, MON NOM]

Un film de Sylvain George

À contre courant

Des hommes errent dans les environs de Calais. Il fait froid, ils n’ont rien à manger, ils se lavent au bord d’une rivière, fument un clope et attendent. Patiemment. C’est la nuit qu’ils agissent. Ils bravent les barbelés et pénètrent dans le port de Calais afin de se faufiler dans un camion en partance pour l’Angleterre. Bien sûr la manœuvre n’a rien de simple et certains se retrouvent le lendemain matin errant à nouveau sur les berges quand d’autres ont passé la nuit au poste de police…

La démarche documentaire du réalisateur français Sylvain George est louable. Pour tourner son film « Les Éclats (ma gueule, ma révolte, mon nom) », il s’est immergé des jours et des nuits parmi les migrants de Calais qui luttent chaque jour non pas pour une vie meilleure, mais pour survivre. Sa caméra suit des quotidiens angoissants, oppressants, sombres, parmi quelques moments plus joyeux mais infiniment plus rares. Le premier groupe rencontré se prépare un « repas » que le noir et blanc, adopté pour l’ensemble du film à l’exception d’un plan particulièrement éloquent où le bleu de la mer est souillé de rouge sang, nous détourne de sa réelle consistance.

Et quand la caméra tend en plus son micro, les témoignages viennent s’entrechoquer dans nos têtes comme des balles perdues qui percutent des cibles jusqu’alors endormies. Des témoignages qui éveillent les spectateurs quant aux véritables raisons de ces exodes, ces fuites. Des témoignages face auxquels en écho, raisonnent l’inacceptable, l’injuste, l’intolérable, le révoltant.

La réponse de Sylvain George est déjà cet objet filmique en lui-même. Un documentaire réalisé à contre courant, unique en son genre, qui ne s’inscrit dans aucune mouvance cinématographique et qui fonde sa liberté de filmer sur l’idée que les images d’un tel sujet doivent être mises à nue, brutes et loin des clichés qui entachent souvent cette misère humaine qui ici nous saute à la gueule. Cette gueule, cette révolte, ce nom dont parlait Aimé Césaire, auteur de ce vers repris pour illustrer un titre en forme d’uppercut, pour dire l’identité de ces hommes et déclamer les raisons de leur combat. Comme Césaire, Sylvain George prend position pour tous les opprimés du monde.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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