DRAGONFLY
Un magnifique double portrait de femmes en manque de lien
Synopsis du film
Elsie est une vieille dame qui a des problèmes pour se déplacer, nécessitant la présence d’aides à domiciles, qui se relaient pour s’occuper d’elle à raison d’une heure par jour. Sa voisine, Colleen, trentenaire vivant des aides sociales, avec pour compagnie sa chienne Saber, lui propose de l’aider pour les courses. Critiquant l’action des aides à domiciles, parfois négligentes, elle entre peu à peu dans la vie d’Elsie, jusqu’à provoquer le doute sur ses réelles intentions…
Critique du film DRAGONFLY
Drame social réaliste, teinté de thriller horrifique, "Dragonfly" a reçu un fort mérité Hitchcock d’or au dernier Festival du film britannique et irlandais de Dinard. Reposant sur un équilibre minutieux entre ses deux personnages principaux, deux femmes seules, l’une progressivement dépendante (Brenda Blethyn, prix d’interprétation à Cannes dans "Secrets et Mensonges", qui trouve ici l’un de ses meilleurs rôles), et l’autre réduite à une existence sédentaire auprès de sa chienne Saber (Andrea Riseborough, sidérante de détresse dissimulée), par manque de moyens et absence de travail, le scénario s’attache surtout à creuser la relation naissante entre elles. Une relation sur laquelle c’est finalement le fils, généralement absent, de la première, comme le spectateur, qui va projeter ses propres craintes ou a priori.
Dans un monde où les questions financières prennent de nombreux foyers à la gorge, où la confiance en l’autre est mise à mal, et où l’image que vous renvoyez vous vaut d’être immédiatement catalogué, Paul Andrew Williams signe un film bouleversant, au final coup de poing, qui vous marque durablement. Interrogeant notamment sur les modèles mis en avant par la société, le film installe le drame intime de Colleen avec acuité (la scène du maquillage est l’un des sommets de tension du métrage…), comme une fatalité, imposant un abyme entre ce qu’elle voudrait être et l’image qu’elle renvoie (de rares sourires, une ironie vissée aux lèvres, un aspect rustre dans certaines réactions…).
La suspicion n’a alors plus qu’à se développer, autour de ses gestes de générosité, impliquant une menace que représente autant sa chienne à l’attitude faussement menaçante (la première intrusion dans la maison d’Elsie inquiète autant qu’elle amuse…) que sa prise de contrôle de la carte bleue de celle-ci. Paul Andrew Williams, qui use de jump scare des plus efficaces et d’une musique stridente correspondant aux états de conscience de Colleen, nous offre tout de même quelques respirations dans les moments de connexion entre les deux femmes (la belle scène du sèche-cheveux, apaisement accompagné par quelques notes d'une musique aérienne). Mais globalement sombre, "Dragonfly", à l’intelligente citation d’ouverture, renverra au final chacun à sa propre perception des « autres ».
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur



