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DEUX JOURS, UNE NUIT

Le "Sandrathon": un week-end pour convaincre

Sandra sort de dépression. Elle doit reprendre le travail bientôt après de longs mois d’absence. Ce matin, elle reçoit un coup de fil lui annonçant qu’elle risque de perdre son travail. En effet, le patron de son usine a décidé de soumettre un réfendum aux employés : soit Sandra reste et aucune prime n’est distribuée, soit elle est licenciée et tous les employés recevront 1000 €…

Sandra est une jeune femme fragile. Elle se fait rapidement déborder par les émotions. Un brin chétive, peu sûre d'elle, elle sort d'une longue dépression et ce n'est pas le coup de fil qui la réveille un matin qui va l'arranger. Un nouveau coup dur s'annonce, sa collègue la prévient que le patron de l'usine de panneaux solaires qui l'emploie a posé un cruel dilemme à ses 17 collègues. Il ont dû choisir entre leur prime annuelle de 1000 euros et la possibilité de garder Sandra qu'ils n'ont pas vue depuis des mois. Naturellement, l'évidence s'est imposée. Seulement deux personnes se sont prononcées en faveur de l'ouvrière. Mais il y a eu visiblement de la manipulation lors de ce vote. En conséquence, le gérant accepte un nouveau vote à bulletin secret cette fois. Sandra n'a alors qu'un petit weekend pour convaincre quatorze de ses collègues de renoncer à 1000 euros. Et les temps sont durs...

Il est toujours surprenant de se rendre compte à quel point les frères Dardenne ont cet indéniable talent de toujours sortir d'idées simples de grands films échappant contre toute attente aux écueils dans lesquels ils pourraient tomber. "2 jours, 1 nuit" ne déroge pas à ce constat et, pourtant, il y a bien un côté répétitif dans cette quête de solidarité durant près d'une heure trente. Rien n'y fait, la simplicité et l'approprié naturalisme avec lequel les réalisateurs belges s'emploient à filmer une Marion Cotillard très convaincante dans ce rôle de femme au bord de la rupture devant pourtant se battre pour conserver son emploi nous emporte aussitôt. Elle aurait pu pécher par excès, mais l'actrice parvient à rester sur le fil de la crédibilité tout du long avec ce rôle loin d'être simple à interpréter.

Le discours de Sandra ne varie quasiment jamais d'une requête à l'autre. Sandra hésite à demander un tel sacrifice à ses collègues qu'elle comprend. C'est dans leurs réactions respectives que réside l'un des principaux mordants du film. Les Dardenne y déploient un large éventail de réactions ; de la compassion résignée aux larmes de soulagement d'un fardeau pour la conscience. Chaque personnage dévoile ses intentions, défend ses positions ou ses intérêts et, grâce à une écriture et des interprétations tout en finesse, on ne ressent étonnamment aucune impression de panorama artificiel des différentes réactions d'un tel choix cornélien. Choix par ailleurs imposé par le dirigeant qui, sous ses élans démocratiques, dévoile toute sa lâcheté à prendre des décisions difficiles quitte à prendre le risque de pourrir les relations au sein de son usine.

"2 jours, 1 nuit" charge cette mise à l'écart du maillon faible dès lors que l'on s'aperçoit qu'il n'est plus utile. La réalité économique demeure bien souvent celle qui prévaut, malgré la bonté d'une poignée de quelques-uns prêts à mettre leurs projets de côté, dans un élan de solidarité qui façonnera la confiance de Sandra pour finir sur une habile et élégante conclusion.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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