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LE DERNIER ÉTÉ DE LA BOYITA

Un film de Julia Solomonoff

« C'est une question d'intimité »

Durant les vacances d'été, Jorgelina avait pour habitude de jouer avec sa sœur, Luciana, dans la Boyita, une caravane garée dans le jardin. Oui mais voilà, cette année, tout change : Luciana a des intérêts d'adolescente et leurs parents se séparent. Face à ces bouleversements, Jorgelina décide de ne pas suivre sa sœur et sa mère à la plage mais plutôt de partir avec son père dans la maison de campagne familiale. Elle y retrouve Mario, un jeune paysan du coin.

Pour son deuxième long métrage, après "Hermanas" en 2005, Julia Solomonoff prend à nouveau la sororité comme point de départ pour tisser un récit initiatique qui semble à première vue assez classique : une jeune fille de 9 ans doit apprendre à grandir, donc à laisser s'échapper le confort de l'enfance et accepter les changements, aussi durs soient-ils. Cette fin de l'innocence passe d'abord par le regard de la jeune Jorgelina, qui fouille dans les cartons de déménagement pour y trouver un manuel d'anatomie, ou qui observe sa sœur Luciana essayer des soutiens-gorge. Filmé à hauteur de petite fille, le film s'imprègne immédiatement d'une grande tendresse, que le doux son du piano et de la guitare ou les couleurs pastel soutiennent discrètement. Après un petit quart d'heure de présentation, Jorgelina se retrouve à la campagne avec son père, ce qui va permettre au personnage de choisir elle-même comment grandir plutôt que de filer constamment sa sœur à la recherche d'un passé désormais révolu.

Rapidement, elle retrouve Mario, un jeune paysan qui va vite devenir son nouvel enjeu relationnel, à mi-chemin entre la recherche d'un frère de remplacement et celle d'un premier amour. Le regard de Jorgelina continue de ponctuer la mise en scène : dans cet univers où la vie est guidée par un rythme lent, la jeune fille passe beaucoup de temps à patienter, contempler ou guetter. Se dessine aussi, depuis le début du film, la thématique du rapport au corps (notamment le corps qui change et la notion d'intimité) à laquelle s'ajoutent ensuite les questions de genre, qui vont s'avérer bien plus complexes que ce qu'on pouvait imaginer (on n'en révèlera pas ici les éléments essentiels car leur découverte progressive est l'un des intérêts majeurs du film). Se pose, entre autres, la question de la virilité, importante dans une société agraire traditionnelle où le passage à l'âge adulte subit la pression collective.

Dans cette histoire touchante, la réalisatrice refuse la simplicité, préférant jouer sur l'implicite et rejetant tout manichéisme – le côté rugueux des comportements paysans n'est jamais traité avec mépris, même quand ils sont a priori révoltants. L'ambiance bienveillante et étonnamment dédramatisante permet au spectateur de se construire un regard apaisé sur les stéréotypes de genre. De réussi, ce film en devient ainsi nécessaire, tant les crispations et les haines se nourrissent de jugements et d’ignorances sur ces questions.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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