Bannière Reflets du cinéma Ibérique et latino américain 2024

D'AMOUR ET D'EAU FRAICHE

Un film de Isabelle Czajka

L'illusoire liberté de l'être...

Julie est une jeune diplômée, idéaliste, qui se trouve confrontée à la dure réalité du monde du travail : malgré un bac+5, elle ne trouve que stages ou petits boulots et se sent exploitée. Une rencontre va lui permettre de fuir cette vie : Ben, un jeune homme marginal, épris de liberté...

Le film commence par un portrait au vitriol de ce que peut être le monde du travail d'aujourd'hui, dans toute son hypocrisie et son mépris envers l'être humain. Le personnage de Julie a l'air inadapté au monde professionnel, mais la mise en scène de la réalisatrice nous dit l'inverse : c'est bien le monde du travail qui est inadapté à l'être humain, un monde déshumanisant où l'Homme se laisse aller à sa perte progressive – même si parfois il en prend partiellement conscience sans avoir la force de réagir, comme le personnage de Bernard, un VRP loser à la fois répugnant et touchant, interprété par Laurent Poitrenaux.

Il y aurait presque un côté Dardenne à cette première moitié du film. Isabelle Czajka filme Anaïs Demoustier comme un corps emporté par un torrent, impuissant face aux flots de cruautés et d'inepties. Ce corps est d'ailleurs souvent montré nu, sans fard, froid, à la fois érotique et obscène, comme pour montrer en même temps la pureté de la liberté individuelle et la brutalité d'un être à la dérive. Jouir sans contrainte, dans tous les sens du terme, semble être le crédo d'un personnage complexe, magnifiquement incarné par la jeune Anaïs Demoustier. Le prometteur Pio Marmaï complète le duo enthousiasmant qui porte en grande partie ce film, confirmant tout le bien qu'on pensait déjà de ces deux jeunes espoirs du cinéma français. Pio apporte au film la fraîcheur (celle du titre) qui manquait au personnage de Julie, avec une performance qui a un petit quelque chose de Romain Duris.

Commence alors progressivement une seconde partie, plus proche du road-movie, dont on sent rapidement qu'elle n'incarnera qu'incomplètement le titre du film. Il se dégage en effet une certaine mélancolie, comme une fausse douceur mais vraie folie, qui ne permettent pas totalement au personnage de Julie (car il s'agit surtout d'elle) de s'échapper entièrement du carcan dont elle se sentait prisonnière. C'est bien là la leçon cruelle de l'histoire : la liberté ne semble qu'illusoire. Le film s'avère donc beaucoup plus sombre que prévu. Malheureusement, cette seconde partie piétine, manque de souffle et semble déboucher sur une impasse. Volontairement symbolique, peut-être ? Il n'empêche qu'elle est décevante pour le spectateur, qu'elle donne même l'impression que le film n'apporte pas grand-chose au cinéma, alors qu'il aurait pu au contraire rehausser le niveau global de la production télévisuelle française s'il avait été distribué par ce biais-là. Dommage, donc, de finir sur cette impression, alors que le début était prometteur et que le duo d'acteurs pouvait prétendre à bien mieux.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire