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CUT

Un film de
Avec

Un prétexte à top 100 de « films coup de poing »

Décidément, à défaut de pouvoir exercer leur art dans leur propre pays, les cinéastes iraniens trouvent refuge au Japon. En attendant de découvrir le nouveau film d’Abbas Kiarostami, « Like someone in love » au prochain festival de Cannes, tourné lui aussi dans la capitale nippone, la Mostra de Venise nous fait découvrir le dernier film d’Amir Naderi, encore méconnu en France, malgré une quinzaine de longs-métrages à son actif.

« Cut », c’est d’abord la rencontre avec un féru de cinéma, pour le moins singulier, radical et romantique à la fois. Mais Shuji n’est pas un simple cinéphile s’enfilant des dizaines de classiques par jour. Non, c’est un militant. Agacé de voir le cinéma d’auteur se faire peu à peu cannibaliser par une industrie nippone produisant de plus en plus de débilités commerciales pour de simples motivations financières, il arbore son mégaphone dans les rues de Tokyo clamant son amour pour cet art qu’il respecte au plus haut point. Lorsque les Yakusas viennent lui annoncer la mort de son frère, c’est surtout pour lui réclamer la dette que celui-ci a contracté pour que Shuji assouvisse sa passion dévorante. Une somme astronomique est à réunir en quelques jours. Il sait parfaitement qu’il ne parviendra jamais à la rembourser, mais dans un acte d’extrême reconnaissance envers son frère défunt et pour se remémorer chaque claque prise à la vision de chefs d’œuvres du 7ème art, il décide de devenir un punchingball humain pour toute la pègre de Tokyo, ceci en échange de quelques billets par coup reçu.

Entre une extrême violence et une surprenante délicatesse, Amir Naderi parvient à nous faire adhérer à ce concept fou, désespéré et masochiste, à mi-chemin entre une œuvre résolument auteuriste et un film de genre. C’est cet équilibre qui parvient à contrebalancer la pauvreté des métaphores ici exprimées : il faut souffrir pour vivre de son art comme on l’entend et les films qui nous terrassent sont autant de coups de poing encaissés dans la figure. C’est grâce aussi à cette formidable brochette d’acteurs amateurs japonais, dont l’excellent Hidetoshi Nidhijima, que le côté répétitif, notamment du dernier quart du film et de son final, véritable prétexte de cinéphile féru de classement, s’en retrouve finalement atténuée. « Cut » et son héros sont finalement à l’image de leur réalisateur exilé depuis déjà de nombreuses années à New York, un passionné ayant payé sa dette pour le cinéma qui le fait vibrer.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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