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CRONOS

Un film de Guillermo del Toro

Del Toro, au commencement…

Jesus Gris, un vieil antiquaire de Mexico, découvre un jour un étrange objet dissimulé dans une statue d’archange en bois qui traînait dans sa boutique. Mais cet objet n’est autre que le Cronos, sorte d’horloge biomécanique et dorée en forme de scarabée, inventée par un alchimiste du XVIe siècle et renfermant le secret de la vie éternelle. À peine Gris a-t-il tourné avec précaution une petite molette située sur l’objet que celui-ci le vampirise via un puissant venin qui lui confère force et jeunesse tout en le rendant dépendant du sang humain. Pour ne rien arranger, le neveu cupide d’un riche homme d’affaires convoite lui aussi cette terrifiante découverte…

Redécouvrir l’acte de naissance d’un cinéaste aujourd’hui adulé et récompensé à travers le monde n’est jamais sans risque, le souvenir nostalgique n’allant pas toujours de pair avec la sensation de se retrouver parfois face à un travail d’initiation qui sent encore un peu la peinture fraîche. Plus de trente ans après sa présentation au Festival de Cannes, revoir les débuts du grand Guillermo Del Toro procure néanmoins un sentiment très singulier. Conçu dans des conditions proches de l’amateurisme, lesquelles pousseront d’ailleurs son créateur à s’endetter lourdement jusqu’à hypothéquer sa propre maison, le résultat ne s’impose toujours pas comme une quelconque révolution vis-à-vis du film du vampire, genre rebattu et usé jusqu’à la corde s’il en est. Même l’objet qui donne son nom au récit, assimilable à une boîte de Pandore très sophistiquée et pas si éloignée du cube-puzzle des Cénobites d’"Hellraiser", est parfois même à deux doigts de friser le MacGuffin scénaristique autour duquel tourneraient en orbite les enjeux et les caractères. À vrai dire, l’aura contemporaine de cette relecture tient tout entière sur un refus permanent de l’imagerie vieillotte du genre (ici, pas de canines acérées ni de croix à brandir) et sur un parallèle malin entre deux formes de « soifs » (celle du pouvoir et celle du sang).

Rétroactivement, il y a là de quoi comprendre aisément ce qui poussa Hollywood à se tourner très vite vers Del Toro pour réaliser le terrifiant "Mimic" (en dépit de toutes les galères de production qui s’en suivirent). Que ce soit pour visualiser des ambiances sombres ou pour mettre en scène des personnages soumis à des processus variables de déliquescence intérieure, le futur réalisateur de "Blade 2" et du "Labyrinthe de Pan" déballait ici de sérieux atouts pour ses débuts derrière la caméra. Et quand bien même des conditions de production trop réduites ne lui permettent pas de tutoyer l’ampleur idéale que le récit réclamait, "Cronos" coche en définitive toutes les cases du petit film tourné avec cœur et passion, destiné avant tout à honorer le genre tout en le réactualisant par une sensibilité orientée plus au sud des standards anglo-saxons. L’efficacité d’une mise en scène entièrement au service du storytelling, les interprétations fortes du casting (dont un Ron Perlman très performant en salaud intégral) et le choix d’une fin volontairement en suspens achèvent d’en faire un incontournable pour les fans – que l’on sait nombreux – du cinéaste mexicain.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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