CRASSE
Un contexte qui crée des marques indélébiles
Synopsis du film
A Londres, en 1984, la petite Maria, 7 ans, vivait une enfance heureuse en compagnie de sa mère, Cynthia, obsédée par la récupération d’objets et leur amoncellement dans leur maison. Même si un sentiment de honte lui était renvoyé par ses camarades de classe et l’attitude de certains professeurs, elle admirait cette femme capable de rendre certains moments magiques. Mais lorsque sa mère fit une chute et fut emmenée à l’hôpital, Maria fut placée dans une famille d’accueil, chez Michelle. Devenue une jeune femme, le retour ponctuel d’un autre ancien enfant placé, Michael, va provoquer chez elle un certain trouble…

Critique du film CRASSE
La première demi heure du film "Crasse" ("Hoard" en anglais), passé par la Semaine de la critique du Festival de Venise 2023 (et multiprimé dans les prix collatéraux), est consacrée à la complicité qui unit Maria et sa mère, la mise en scène de Luna Carmoon tâchant d’évoquer le bonheur dans lequel ces deux personnages nageaient ponctuellement, plutôt que de s’attarder sur la maladie de la mère, la syllogomanie ou syndrome de Diogène, qui consiste à entasser indéfiniment des objets achetés ou récupérés. Certains éléments revêtent ainsi des propriétés presque magiques (la douceur d’une craie extraite d’un bocal rempli avec le temps et passée sur la joue, les volutes de draps sous lesquels on joue à se faire peur une nuit d’orage, un sapin de Noel fait des boules du papier aluminium qui enveloppait les sandwiches du midi à l’école…). Et la caméra ne s’attarde que ponctuellement sur les signes alarmistes d’un envahissement de l’espace assez malsain et d’une hygiène qui laisse à désirer. Ces visions vont cependant crescendo dans leur peinture d’un environnement en réalité plutôt toxique qui marquera durablement la jeune fille : un tas de lettres non ouvertes dans l’entrée, des sacs un peu partout lors d’un soudain plan zénithal, la découverte d’un rat mort alors que la femelle furet appelée Perle manque à l’appel…
C’est par une belle ellipse alors qu’elle est assises enfant dans les escaliers de la femme chez laquelle elle a été placée, et que sa version jeune adulte dévale simultanément ces mêmes escaliers, que l’on fait un bon dans le temps. Et le reste du métrage sera consacré au comportement de celle-ci alors que débarque Michael, ancien enfant placé, dans l’attente d’avoir sa propre maison. Entre attirance pour ce garçon bien dans sa peau et moments avec sa meilleure amie, la mise en scène suggère, en magnifiant certains instants, les mêmes élans fantasques que la mère, et par petites touches l’omniprésence de souvenirs brûlants. Jolie réflexion sur la transmission, "Crasse" est avant tout porté par un formidable casting. En tête, interprétant Maria, la jeune Lily-Beau Leach, profondément touchante dans ses moments de désarroi et Saura Lightfoot Leon, parfaite d’oscillations d’humeurs. Un duo séparé de quelques années, parfaitement complété par Joseph Quinn, en séducteur discret fasciné par la jeune femme, Hayley Squires, en mère au caractère bien trempé (la scène du supermarché face à la professeur vaut le détour) et Samantha Spiro, tendre et droite mère de substitution.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur