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COPIE CONFORME

Un film de Abbas Kiarostami

Faux-semblants ou vrais souvenirs ?

James Miller, célèbre écrivain britannique donne une conférence de presse en Italie, à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage, "Copie conforme", à propos des copies dans le domaine de l'art. Une galeriste d'origine française souhaite lui propose d'aller dans un petit village de Toscane, avant qu'il ne prenne son train...

Kiarostami déroute et étonne même avec ce film en marge de sa filmographie. Après une conférence très théorique sur la reproduction artistique, "Copie conforme" débute comme un film romantique classique: une rencontre, peut-être même une attirance du coté de cette galeriste, en quête de preuves d'affections, qui se sent délaissée par son mari. Elle veut emmener l'écrivain là où ses fiançailles se sont déroulées quinze ans plus tôt. En route pour San Gimignano, l'écrivain bellâtre et sans gène, lui dédicace des livres, s'amuse à la contredire et à imposer sa conception radicalement opposée du bonheur. On suit leur confrontation avec un plaisir certain. Les répliques, bien que très verbeuses, ne manquent pas de réparties et dissèquent bien souvent des points de vus très légitimes.

Arrivé au petit village des amoureux, on sent la possibilité d'une idylle mais aussi, l'esquisse de vestiges du passé. C'est alors que l'écrivain se remémore un souvenir dans lequel il se projette. Une serveuse de café les prend pour un couple. La galeriste ne la corrige pas et c'est à cet instant que "Copie conforme" change radicalement nos perceptions. On assiste ensuite à une désarmante scène de ménage entre cet écrivain et cette galeriste, qui semblaient pourtant se rencontrer pour la première fois. Eux qui ne dialoguaient qu'exclusivement dans la langue natale de l'écrivain pendant toute la première partie du film, s'expriment à présent l'un et l'autre tour à tour en français et en anglais, comme si les masques venaient de tomber.

Le plus troublant, c'est que Kiarotami persiste dans ce revirement qui perturbera définitivement l'audience. Pendant toute la deuxième moitié du film, on tentera en vain de démêler le vrai du faux, le fantasme du vécu, la comédie de la réalité. Ce qui passait aux premiers abords pour un simple road-movie romantique, bascule subrepticement dans ce qui apparait être un jeu de faux-semblants initié par le personnage de Binoche. L'actrice française est, à ce titre, surprenante de spontanéité et semble improviser chacune de ses répliques. En face, l'impeccable William Shimell la laisse l'appeler "chéri", et rentre dans chacun de ses reproches de façon déconcertante. On y croit sans y croire. On cherche désespérément une porte de sortie qui nous ferait recouvrir notre logique. Mais rien n'y fait.

Au final, "Copie conforme" se veut être une fascinante métaphore sur les relations de couples. Tourné sans aucune ellipse, on peut y voir une formidable représentation des étapes successives de la vie de couple en l'espace de deux heures: la rencontre, la séduction, les premières disputes, les reproches et la nostalgie des premiers instants. Kiarostami délivre donc un film foisonnant de symboles, qui mérite certainement plusieurs visions pour en déceler toutes les subtilités.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

COMMENTAIRES

samedi 6 août - 8h39

Ne pas oublier le conflit-dialogue des cultures de genre...

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