Bannière Festival de l'Alpe d'Huez 2025

CONCLAVE

Un film de Edward Berger

Maux de foi

Après la mort subite du pape, le cardinal Lawrence se voit porter la lourde charge de l’organisation du conclave. Rapidement, il comprend que cette élection ne sera pas un long fleuve tranquille…

En témoignent les différentes citations sur l’affiche française, la presse outre-Atlantique a adoré ce thriller ecclésiastique, érigé comme l’un des favoris pour la prochaine cérémonie des Oscars. Pourtant, à la lecture rapide du synopsis, à savoir l’organisation d’un conclave suite à la mort prématurée du pape, rien ne laissait penser à une œuvre haletante. C’était méconnaître les jeux d’influence et de pouvoirs qui s’installent derrière les portes fermées de l’Église. Capturé comme une expérience paranoïaque façon Alan J. Pakula, le film est une plongée saisissante au cœur de la machine hiératique, au sein de cette élite dont le vote pourra incarner soit une preuve de modernité soit un retour à une doctrine plus traditionaliste. Ce qui s’établit sous nos yeux ébahis n’est pas tant l’élection d’un homme que celle d’un programme, une profession de foi aussi bien politique que religieuse.

S’appuyant sur le roman de Robert Harris (déjà adapté avec "The Ghost Writer" et "J’accuse" notamment), le métrage ne séduit pas uniquement grâce à son intrigue, mais également par sa maîtrise formelle impeccable. Grandement salué pour son travail sur "À l’Ouest, rien de nouveau", Edward Berger réussit un autre tour de force, rendant passionnante chaque séquence de vote, chaque bulletin dans l’urne, parvenant par quelques effets stylistiques à éviter toute sensation de répétition. Comme le dit l’un des protagonistes, l’enjeu est avant tout de choisir « le moins pire », les hommes étant par défaut imparfaits, aucun ne pourra prétendre à un parcours sans faute. Constat banal, et pourtant ô combien exaltant. Loin de l’image d’Épinal, le Vatican est ici transformé en arène, en une cour où les êtres sont des gamins se battant pour devenir le chef. « Ce n’est pas une guerre » déclamera naïvement un des personnages. C’est bien pire, ici, pas de convention internationale pour régir la lutte, tous les coups sont permis.

Huis-clos magistral, "Conclave" s’impose comme une œuvre étouffante et fascinante où chaque rebondissement amène à des questionnements plus profonds. Sous ses airs de "House of Cards" en soutane, le film amène de véritables réflexions sur le rôle des femmes dans cette institution, sur le dialogue avec les autres religions ou même sur la philosophie théologique à appliquer dans un monde de plus en plus divisé entre les progressistes et les conservateurs. Aussi intelligent que troublant, le métrage est également un grand numéro d’équilibriste de la part de Ralph Fiennes, dans le rôle du Doyen en charge de l’organisation de l’évènement. Là où beaucoup auraient pu sombrer dans la caricature, le comédien trouve toujours la bonne tonalité, ne surjouant pas ses doutes comme sa sincérité. Porté par de grands acteurs (Stanley Tucci et John Lithgow n’étant pas en reste) et enrobé d’une sublime maîtrise stylistique, ce thriller papal dans la veine des séries de Paolo Sorrentino est bien un prétendant mérité aux récompenses les plus prestigieuses. Et ce n’est pas le recours à une musique ostentatoire et les quelques rebondissements finaux inutiles qui devront vous empêcher de pénétrer les rangs de l’Église. On vous y invite fortement, y compris pour les athées !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire