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COMME UN SEUL HOMME

Un film de Eric Bellion
Avec Eric Bellion...

Seuls sont les indomptés

Embarquement à bord du voilier DCNS 1000, alias « Comme un seul homme », dirigé par Eric Bellion pour son premier Vendée Globe en 2017…

Comme un seul homme film image

Partir faire le tour du monde en solitaire sur un petit voilier, c’est comme partir escalader l’Himalaya, ou traverser la manche à la nage, il s’agit avant tout d’accomplir une performance grandiose et symbolique. A ce niveau là peu importe la compétition et le classement d’arrivée, ici le défi est tel que le seul fait d’arriver au bout est une victoire en soi. Que l’on soit premier ou dernier arrivé, l’exploit n’en sera pas moins grandiose. Le Français Eric Bellion s’est lancé dans ce périple pour la première fois en 2017. Il n’aura pas à le regretter puisque non seulement il réussira la traversée, mais il en profitera même pour tourner un film qui sera diffusé en salle. En réalité ce n’est ni un film ni un documentaire, mais tout simplement un document. L’intégralité du film est en effet tournée par le biais d’une petite caméra tenue à bout de bras par le marin qui se filme lui-même en expliquant l’évolution de la situation. Un véritable journal de bord moderne pour un aventurier des temps modernes.

Il en résulte forcément un métrage assez brut, car la caméra n’est pas stable et le son n’est pas propre, mais cela n’affecte pas sensiblement le confort du visionnage dans la mesure où la qualité de l’image est bonne. Les défauts techniques font de toute manière partie du charme du concept de la caméra embarquée. Un seul et unique plan est tourné avec la caméra stable, lorsque celle-ci est fixée pendant quelques minutes pour permettre à l’homme de s’éloigner sur son bateau pour aller réparer une voile. Quelques images filmées par des journalistes (semble-t-il) sont également diffusées pendant le générique de fin. C’est d’ailleurs à ce moment-là que nous apercevons l’aspect extérieur du bateau, et que l’on prend subitement conscience que nous ne l’avions jamais vu jusque-là.

Le film n’étant pas un documentaire, il n’y a aucune mise en scène ni mise en contexte ici. Pas de présentation du skipper ni de cette compétition épique, nous sommes projetés dès la première image et jusqu’à la dernière (pratiquement) au cœur de l’aventure avec un inconnu qui deviendra rapidement un intime. Ainsi contrairement à ce que l’on pourrait voir dans une émission télévisée classique, il ne cherche pas à faire monter la tension en insistant sur les dangers à venir et sur le manque d’expérience du navigateur, ni en montrant les adieux avec ses proches. Cela aurait pourtant été une manière très facile d’aguicher le spectateur, mais ce n’est pas le cas ici. On fait confiance au public pour se plonger de lui-même dans cette aventure et pour en percevoir rapidement toute la charge émotionnelle. Car le véritable sujet du film est celui de la force mentale.

De premier abord il n’y a pas de grosse surprise en ce qui concerne le déroulement du récit. Ce voyage sur l’océan est bien évidemment marqué par la crainte du surgissement des grosses tempêtes ou des problèmes techniques que va rencontrer le bateau et qui nécessiteront des réparations en catastrophe. Mais petit à petit l’on se rend compte que ce film cherche avant tout à montrer le combat intérieur d’un homme qui se retrouve seul face à un défi hors norme, qui finit par ressembler à une torture qu’il se serait lui-même infligée de son plein gré au nom d’une passion dévorante. L’enjeu n’est pas tant de savoir si le navigateur réussira à survivre à une mer déchaînée ou à réparer son embarcation, mais plutôt de savoir s’il aura le courage de continuer ou s’il décidera finalement d’abandonner en cours de route. On suit donc surtout ses états d’âmes au fil des jours, son parcours mental qui passe par des périodes d’angoisse, de tristesse ou de soulagement. Ce long témoignage est passionnant car authentique. Eric Bellion ne triche pas et ose nous montrer qu’il n’est pas un conquérant infaillible, mais seulement un explorateur en proie aux doutes. Les coups de colère succèdent aux larmes, à la fatigue, aux excès de joie…

Le moral de cet homme sera tout particulièrement mis à mal par la confrontation à la solitude prolongée. Pour lutter contre cela il va finir par se créer un substitut affectif en assimilant son voilier à un être vivant, un compagnon de route. Il considère que son bateau communique avec lui grâce à son propre langage (des bruits, son positionnement sur l’eau, ses mouvements…), qu’il lui fait passer des messages pour adapter sa navigation, et même qu’il se moque de lui lorsqu’il doute profondément. Il explique que son navire sait depuis le début que son conducteur ira jusqu’au bout et qu’il essaye de l’aider à parvenir à son but. Cela aboutit à des moments très touchants où le skipper s’excuse lorsqu’il se plaint de sa solitude, car non il n’est pas seul… Cela fait immédiatement penser à la relation qu’entretien le naufragé Tom Hanks avec un ballon de volley qu’il nomme Wilson dans "Seul au monde" (2000) de Robert Zemeckis. Ou comment faire d’un objet inanimé notre meilleur ami pour ne pas sombrer dans le désespoir.

Un document précieux et captivant, dont on trouvera forcément la fin trop abrupte et frustrante, car on en voudrait forcément encore plus.

David ChappatEnvoyer un message au rédacteur

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