CIUDAD SIN SUEÑO

Un film de Guillermo Galoe

Rêver d’un monde meilleur, lui aussi en couleurs

Synopsis du film

Dans un bidonville de la banlieue de Madrid, vit Tonino, alias Toni, adolescent rom de 15 ans, qui aime à jouer avec son ami maghrébin Bilal. Après s’être filmés, comme à leur habitude, dans les champs, les terrains vagues ou une maison abandonnée, Tonino, invité à dîner chez Bilal, apprend que la famille de celui-ci va partir en France, à Marseille. Face aux démolitions régulières, son père à lui envisage d’accepter un appartement en ville, au grand désespoir de son grand père, le père de sa mère, Chule, ferrailleur, avec duquel il est particulièrement proche, comme avec sa chienne, une lévrier blanche…

Critique du film CIUDAD SIN SUEÑO

Dès les premières minutes, le décor est planté : nous sommes dans la grande banlieue de Madrid, entre bidonville et restes de hameaux, entre friches et champs désertiques, entre maisons de fortune et lieux abandonnés… C’est ici que nos personnages vont évoluer, là où les pelleteuses interviennent régulièrement pour détruire les constructions illégales et déloger ceux qui vivent parfois de petits boulots plus ou moins légaux, voire maîtrisent le marché local de drogue. C’est là que vivent Tonino, issu d’une famille de gitans, dont le père passe son temps au bar ou à jouer aux cartes, et son ami Bilal, dont la famille maghrébine a prévu d’aller s’installer bientôt à Marseille, dans le sud de la France. Dans ce no man’s land, cet entre deux, les deux ados se cherchent des repères, s'accrochant d'une certaine manière à leur enfance. Tonino reste proche de son grand père, Chule, attaché à ces lieux en déliquescence, de sa chienne Atomica et tache de s’évader de la réalité en se filmant avec Bilal, dans des lieux où il s’inventent encore des aventures.

Car une option de mise en scène consiste à passer, lorsque les deux ados évoluent ensemble, à part des groupes existants (il y a non seulement les deux familles, aux traditions différentes, mais aussi le groupe de la fille de la « marraine » du secteur, enrichie par le trafic de drogues comme d’animaux sauvages), à des images au caméscope adoptant des filtres de couleurs variés (visages verts ou blancs, végétation violette…) et évoluant selon leurs choix. Une manière pour le réalisateur de sanctuariser ces moments de complicité, où les deux personnages rêvent d’une vie meilleure, qu’un simple déménagement n’apportera pas forcément. Une manière aussi pour les deux garçons, de garder un pied dans leur enfance, faite d'une part d'insouciance. Entre débrouille quotidienne (les garçons recherchent des iguanes ou lézards dans l’espoir de se faire un peu d’argent, Toni participe à la récupération de ferraille avec son grand père…), rapports de force entre des ados trop vites habitués aux codes du rude monde des adultes, nostalgie d’un lieu en décrépitude d’où tout le monde s’en va progressivement, "Ciudad Sin Sueño" (« la ville sans rêve ») fait non seulement une peinture d'une misère ambiante combattue par la chaleur des gens, mais aussi celle d’une absence de renoncement, que ce soit de la part des générations qui resteront, que de celles qui sont forcées de partir. La mise en parallèle finale entre les messages filmés par Toni et Bilal, en est un beau symbole, dans ce film touchant qui interroge la capacité à s’évader.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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