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CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE

Un film de Tim Burton

Fantaisiste

Willy Wonka (Johnny Depp), célèbre chocolatier inventif, a depuis fort longtemps fermé les portes de son usine à tout ouvrier ou visiteur. Mais cette année, cinq tickets d’or, cachés dans des tablettes de chocolat, premettront à cinq enfants de visiter la mystérieuse fabrique…

Le nouveau délire de l’inventif Tim Burton est tiré de deux ouvrages ultra connus outre Atlantique, datant de 1964, pour le premier, qui lui donne son titre, et à peine plus récent pour le second, Charlie et l’ascenseur de verre. Et l’auteur de Mars Attacks, Ed Wood, ou Edward aux mains d’argent lui imprime sa signature, reconnaissable entre toutes, creusant au passage l’un de ses thèmes favoris, l’absence du père. Celui-ci a en effet longuement développer cette puissamment lacrymale thématique, que ce soit dans Big Fish, au travers de l’emprise d’un paternel attirant trop l’attention à lui, et avant, dans Edward aux mains d’argent, avec la disparition d’un géniteur généreux, laissant un innocent en proie au monde réel.

On reconnaît donc aussi la patte du réalisateur américain, dans les nombreux décors, plus colorés qu’à l’habitude, conte pour enfants oblige. Dans son monde, la maison de Charlie, jeune héros du film de milieu plus que modeste, est étrangement inclinée et tordue, et les formes des jardins en sucreries à l’intérieur de l’usine, rappellent les collines et ponts improbables de L’étrange Noël de Monsieur Jack. Sa mise en scène, vivace, fait de chaque élimination d’un enfant prétendant au prix suprême un plaisir pervers, tant les portraits forcément caricaturaux (le gros allemand, la poupée Barbie américaine, bête de concours) et remis au goût du jour (le fan de jeux vidéo hyper violents) sont savoureusement amenés.

Johnny Depp retrouve dans ce film, un réalisateur qui l’a déjà dirigé trois fois, et cadre une nouvelle fois parfaitement dans son univers extraordinaire, en incarnant un chocolatier de génie, traumatisé par un père dentiste, image d’une éternelle jeunesse artificielle. Inquiétant à l’image d’un Michael Jackson qui invite des enfants en son Neverland, il est aussi incisif et cassant, autant que maladroit et drôle, dans des scènes calibrées pour les petits, mais qui fonctionnent aussi bien sur les grands, comme les multiples collisions avec les portes transparentes de l’ascenseur de verre.

Face à lui, le jeune Freddie Highmore, vu récemment dans Neverland où il jouait Peter, fait figure de petit ange au calme surprenant en comparaison des autres gosses, concentrant tous les comportements répréhensibles des enfants, histoire de donner à l’ensemble un aspect moralisateur. Mais sous le politiquement correct, le comportement de Willy Wonka, aussi odieux que adepte de la vanne subtile, rééquilibre le film. Il en va de même de l’intervention des écureuils casses noisettes aux doubles sens (don’t touch the scuirels’ nuts !), ou des fameux oompa woompas, aux textes rigolos, pour des chansons qu’on aurait cependant pu nous éviter, contrastant de manière excessive avec le reste du film, par de chorégraphies à la limite du supportable.

Reste un film pour enfants qui ravira également les grands par son inventivité, son univers politiquement incorrect, fait de disparitions proches de tortures délectables, de punitions tacites des mal élevés (et de leurs fautifs de parents). Visuellement l’univers ouvriers extérieur contraste délicieusement avec le monde de rêve et d’exubérance intérieur à l’usine. De quoi renvoyer aux enfants, des images de rêve, tout en relativisant sur les destinées diverses et souvent complexes de chacun. Une vraie réussite que la bande annonce ne laissait pas forcément présager.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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