BRUJERÍA
La sorcière sort du bois
1880. Rosa est une indigène de la petite île de Chiloé au large du Chili, sous colonisation allemande. Elle travaille pour un notable du village, jusqu’au jour où son père est brutalement tué sous ses yeux. Commence alors pour Rosa un parcours initiatique et un retour aux sources de son peuple…

"Brujería" commence en nous entraînant dans la routine de Rosa. Les premières minutes du film posent l’ambiance de ce qui suivra : la caméra prend son temps, l’ambiance est blafarde, et les personnages se parlent tout en étant lourds de sous-entendus sur la position sociale de chacun. Christopher Murray, réalisateur et scénariste chilien, pose une intention claire : nous parler un peu plus de l’Histoire et des superstitions de son pays via un épisode de la colonisation. Cette intention est honorée dès le début du film, avec un élément perturbateur mystique qui provoquera, par ricochet, la mort du père de Rosa.
La première moitié de l’histoire est consacrée au parcours de Rosa, qui a été baptisée et qui a embrassé les croyances des colons. Dans sa quête de vengeance, elle va rencontrer des mentors et résistants qui cherchent à faire vivre l’héritage de l’île, et ouvrir les yeux sur les croyances de son peuple qui lui ont été enlevées par la culture imposée par les Allemands. La seconde partie du film nous emmène dans cette entreprise de vengeance, avec quelques très beaux moments comme une immersion dans l’eau d’une cascade pour laver Rosa de son baptême, accompagnée d’un chant chamanique.
Les antagonistes comme le maire de l’île, catapulté dans ce petit village et ayant soif de s’en échapper à tout prix, ou la famille qui embauchait Rosa, sont très réussis et permettent de vivre avec Rosa toute l’injustice de ce système où les terres volées et la dignité des locaux ne valent plus grand choses. Malheureusement, les partis pris d’ambiance et de mise en scène, plaisants au début, donnent au tout une sensation de longueur, même les personnages prennent leur temps pour parler alors qu’on aimerait parfois les secouer car on perçoit l’urgence de certaines situations ! La jeune actrice Valentina Véliz nous permet de rester accrochés jusqu’à la fin avec son jeu tout en intériorité et son regard lourd de sous-entendus vengeurs. Les quelques incursions dans le fantastique nous donnent aussi envie d’en savoir plus et nous forcent à être attentifs : est-ce bien de la sorcellerie ou une habile mise en scène ? À vous d’en juger…
Océane CachatEnvoyer un message au rédacteur