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BONS À RIEN

Un film de Gianni Di Gregorio

Des personnages sympathiques desservis par un scénario chaotique

Depuis toujours fonctionnaire dans une petite administration du centre de Rome, Gianni s’apprête à partir à la retraite. Or à quelques mois du grand départ, celui-ci est convoqué dans le bureau de son supérieur pour apprendre que la loi a changé et qu’il doit encore travailler trois ans. Son poste ayant déjà été ré-affecté, il est alors muté dans un autre bâtiment situé à l’extérieur de la ville…

Le cinéma de Gianni Di Gregorio, c’est un peu comme si Woody Allen avait fusionné avec Jacques Tati. Un style flegmatique qui se concentre uniquement sur les états d’âmes de personnages tous prénommés Gianni, interprétés par le cinéaste lui-même et qui sont le reflet de son caractère et de sa vision de la vie. Ces Gianni sont aussi l’incarnation de la dolce vita romaine au quotidien. Ils vivent depuis toujours dans leur quartier natal ô combien mythique : celui du Trastevere et savent mieux que quiconque en exulter le charme et ses travers savoureux. Enfin, chaque Gianni est toujours un éternel solitaire, qui sait séduire les femmes mais reste l’homme d’une seule : sa mère.

Après avoir été le héros de deux très beaux films (« Le déjeuner du 15 août » et « Gianni et les femmes »), ce double récurent revient à présent sur nos écrans en tant que futur retraité déchu. Fonctionnaire peu zélé, celui-ci termine tranquillement sa carrière quand une directive du ministère l’oblige à rempiler pour 3 ans en le mutant en banlieue de surcroît. Dépité, Il doit s’adapter à un nouveau système informatique et faire face aux querelles intestines entre nouveaux collègues prêts à tout pour se faire bien voir de la direction tout en en faisant le moins possible.

Malheureusement, les aventures de ce Gianni sont comme les rues de Rome. Passées le périph, elles perdent un peu de leur superbe. En effet, notre héros présenté comme poissard et effacé, s’affirme du jour au lendemain comme un fin stratège en tournant à son avantage l’absurdité de la hiérarchie administrative. Plus étonnant, il passe souvent au second plan au profit de Marco, un collègue trop gentil qui ne sait jamais dire non et dont tout le monde profite abusivement. En transférant les faiblesses de son héros sur cet autre personnage, Gianni Di Gregorio se disperse en multipliant les anecdotes et, de cause à effet, survole l’essentiel faute d’avoir un réel premier rôle affirmé.

Cette mise en scène pour le moins brouillonne, séduit uniquement par la sympathie de ses personnages toujours hauts en couleur mais manque de poésie en comparaison des deux précédents films du cinéaste, eux plus introspectifs. En tentant de donner une carrure sociale à son jumeau fictif, Gianni Di Gregorio délaisse quelque peu son côté sentimental, celui qui fait de lui un éternel amoureux dépassé par les événements de peur du changement. Dommage, car c’est justement cela qui fait tout son charme. En résulte un film mineur, qu’on espère accidentel dans la filmographie d’un cinéaste aussi attachant.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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