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BERNIE

Un film de Richard Linklater

Une comédie dramatique quelque peu plombée par son dispositif narratif

Années 1990. Dans la petite ville de Carthage, à l’est du Texas, Bernie Tiede, thanatopracteur de renom et adjoint au directeur des pompes funèbres locales était connu pour sa gentillesse, ses talents de chanteur d’église ou d’orateur. Il était aussi fort serviable envers les vieilles veuves, même Marjorie Nugent, une femme riche connue pour son caractère épouvantable. Se liant peu à peu d’amitié avec celle-ci, ils deviendront inséparables, faisant voyages et activités ensemble…

Richard Linklater est un réalisateur à la carrière passionnante. Sans doute l’un des metteurs en scènes les plus éclectiques de sa génération, il a su enchaîner divers genres tout en tâchant d’innover, dans la manière de narrer une histoire aussi bien que du point de vue technique. On lui doit ainsi le caustique mais si humain triptyque "Before" ("Before Sunrise", "Before Sunset", "Before Midnight"), l'un des premiers longs métrages animés en rotoscopie ("A Scanner Darkly" avec Keanu Reeves), le génial "Boyhood" où l'on suit la formation en « temps réel » d'une personnalité de jeune homme, le film musical "Rock Academy", le drame "Bernadette a disparu" avec Cate Blanchett, ou encore l’irrésistible comédie policière "Hit Man" avec Glen Powell. Le voici qui retrouve ici Jack Black, son acteur de "Rock Academy", pour une sorte de biopic aux élans policiers, tourné en réalité en 2010, et qui débarque sur nos écrans plus de 14 ans plus tard.

Malgré trois interprètes principaux visiblement investis, Shirley MacLaine jouant les pestes possessives et Matthew McConaughey en procureur aux méthodes peu orthodoxes, face à un Jack Black plutôt dans la retenue et la bonhommie, la sauce ne prendra véritablement jamais. Il y avait pourtant dans le fait divers datant de 1997 de quoi faire une comédie dramatique grinçante, en laissant planer le doute sur les intentions d’un héros ne correspondant pas vraiment aux caractéristiques du tueur avide et calculateur. L’idée du décalage entre l’image du personnage (pieux, serviable, généreux…) que ce soit dans ses gestes ou dans les souvenirs des habitants des lieux ou des participants à l’affaire, ici interviewés en série entre les scènes, formait pourtant une base pouvant laisser la folie Jack Black s’imposer dans la démesure du rôle, et la comédie prendre le pas sur le drame.

Malheureusement peu de choses fonctionnent, l’acteur paraissant engoncé dans un personne finalement assez lisse, sans doute pas assez ambiguë pour créer l’intérêt ou l’empathie. De même le personnage du procureur n’est pas assez présent pour en devenir réellement inquiétant, et celui de la veuve n’a pas le temps de faire preuve d’une méchanceté démesurée. Côté mise en scène, Linklater réussit quelques scènes amusantes, de l’apparition de Jack Black en professeur d’embaumement, à l’illustration de l’arrestation des cinq hommes en défaut de paiement de pension alimentaire, en passant par la description, carte satirique à l’appui, des différentes parties du Texas. Mais malgré le basculement vers la fin dans un improbable procès (le coup du congélo est tout de même assez fortiche), l’obstination à casser en permanence le rythme en hachant le récit par de multiples interviews face caméra, avec des réflexions de l’ordre souvent du subjectif ou de la rumeur, finit par avoir raison de la patience d’un spectateur perdu sous le flot des témoins. Ceci d’autant que la tonalité comique s’éloigne peu à peu pour faire place à une histoire un peu maigre, qui sans ceux-ci donne la sensation qu’elle ne tiendrait pas une heure… Reste tout de même une certaine ironie de fond, qui aurait sans doute mérité d’être mieux exploitée, du côté des protagonistes, plutôt que des nombreux et peu utiles seconds couteaux.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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