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BABYGIRL

Un film de Halina Reijn

Garder le contrôle, même face à ses propres fantasmes

Romy est la PDG d’une grande entreprise, mariée, avec deux filles. Jouant d’une position de pouvoir, elle soigne son image et prépare avec soin ses discours sur le e-commerce et la logistique. Acceptant de rencontrer les stagiaires, elle revoit là un jeune homme, Samuel, qu’elle avait vu calmer un chien méchant dans la rue. Rapidement celui-ci demande à ce qu’elle soit sa tutrice. Commence alors une liaison secrète entre eux, où Samuel se montre dominant et Romy voyant là une manière d’assouvir ses fantasmes…

Nouvelle production de la très prolifique compagnie A24 ("Maxxxine", "Civil War", "Love Lies Bleeding", "Dream Scenario"...), dont les films se distinguent souvent par l’originalité de leurs sujets, concepts ou traitement, "Babygirl" est un thriller érotique filmé par une femme. L’occasion pour Halina Reijn ("Bodies Bodies Bodies") d’inverser les rôles en effaçant la « femme fatale » qui mène un homme à sa perte, remplacée ici par un « homme fatal » (voir les classiques "Basic Instinct" ou "Liaison Fatale"), Samuel (Harris Dickinson, popularisé avec "Sans Filtre") source d’excitation comme de danger pour l’héroïne. Au travers de la liaison sadomasochiste qui va se développer entre eux, plusieurs sujets dans l’air du temps sont ainsi abordés : celui de la domination et du contrôle, avec en miroir celui du consentement, mais aussi celui du droit au fantasme pour la femme.

Nicole Kidman prend ici de réels risques avec ce rôle de PDG d’une entreprise spécialisée dans l’innovation robotique pour la logistique, habituée à tout contrôler dans sa vie et son travail, en particulier son image de femme parfaite. Elle casse ici un peu sa propre image de cinquantenaire séduisante, en affichant des gestes de cosmétique quotidienne (piqûres de collagène, traitement par le froid…) et par les positions même de soumission auxquelles son personnage se plie. Elle a d’ailleurs obtenu la Coupe Volpi de la meilleure actrice pour ce rôle au Festival de Venise, en septembre dernier. Prise dans la spirale de la réalisation de ses fantasmes, souvent synonyme de mise en danger, le suspense tient en haleine, renforcé par l’ambiguïté des intentions du stagiaire, le contexte du milieu du travail et du potentiel scandale familial rajoutant des menace légale comme maritale.

Débutant sur un orgasme, le film se terminera sur un autre, réaffirmant le pouvoir de cette femme forte sur sa propre existence et son droit à trouver un exutoire aux frustrations de son existence : sexualité insatisfaisante avec son mari metteur en scène (impeccable Antonio Banderas), rôle de mentor potentiel en tant que femme directrice, charge mentale énorme… Entre temps, si le film alignera quelques scènes de sexe d'une rare intensité, provoquant mélange de trouble et de répulsion, laissant le spectateur face à sa propre conception de l’acceptable. Si le scénario refuse d’éclaircir son propre propos sur le consentement, la collision ou la dichotomie entre les fantasmes et la vie sociale, c’est que la réalisatrice elle-même préfère ne pas juger son personnage. Elle préfère montrer l’évolution d’une conception de la sexualité, éloignée de celle du couple et fortement influencée par la pornographie (ne pouvant jouir avec son mari, le personnage se précipite dans son bureau pour mater du porno et avoir son orgasme, ceci dès la première scène). Soulignant progressivement les hypocrisies et les arrangements, "Babygirl" brouille, par un regard féminin, les limites entre pouvoir, emprise et image publique, pour mieux explorer un besoin de soupape dans une société moderne où tout n’est finalement que relations de pouvoir.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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