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AS I LAY DYING

Un film de James Franco

La plaie de la famille

La famille Bundren s'apprête à vivre un deuil. Addie, la mère de famille est gravement malade et son mari et ses cinq enfants savent qu'elle n'en n'a plus pour très longtemps. Tandis qu'elle agonise, Cash lui confectionne, sous une pluie battante, un cercueil, et Darl et Jewel font une dernière livraison pour gagner quelques dollars avant de revenir au chevet de leur mère mourante…

Pour son nouveau long-métrage, James Franco choisit d’adapter le monument de la littérature écrit par William Faulkner, Tandis que j'agonise, pourtant réputé inadaptable. Il s'agit d'une famille de fermiers pauvres du Mississippi dont la mère vient de mourir. Le père, sorte de vieux têtu édenté à la chrétienté embarrassante, embarque alors ses enfants dans une tâche funèbre : aller enterrer sa femme là où il l'a arbitrairement décidé, à savoir, très loin de la ferme familiale (la terrassante fin révèlera pourquoi).

"As I Lay Dying" est donc l'histoire de l’éprouvant périple d'une famille qui se disloque peu à peu pour mener la dépouille d'une mère au fin fond du Mississippi. Le matériau d'origine est foisonnant et dense, si bien qu'il est souvent difficile de repérer qui prend la parole. Certainement pour représenter le style cacophonique de Faulkner, James Franco utilise un procédé de mise en scène pour le moins désuet et risqué : le split-screen. Pendant les deux tiers du film, l'image est divisée en deux. Au départ, on distingue un côté sans dialogue représentant l'état intérieur des personnages, puis un autre pour les échanges verbaux et l'action. Puis la frontière se fait plus ténue et Franco finit par transformer cet outil narratif en simple gimmick superflu. En balançant deux angles différents à trois secondes d'intervalle, le procédé finit par agacer jusqu'à la limite du supportable.

Pourtant, le réalisateur n'était pas loin de la perfection narrative et filmique. La mise en scène est magnifiquement aérienne, envoutante de naturalisme, presque malickienne… Pour exemple, la traversée du cours d'eau est impressionnante tant la tension et le danger sont palpables tout du long. James Franco filme le Mississippi avec autant de virtuosité que Jeff Nichols dans "Mud". Lorsqu'il met en scène l'infection odorante que provoque le convoi mortuaire depuis des jours et jours de voyage, il nous ferait presque afficher une mine de dégout devant notre écran. Le scénario garde l'essence du roman et la direction d'acteurs est au poil. Tim Blake Nelson campe un Anse fidèle à la représentation que l'on peut s'imaginer en lisant le livre et la relation étrangement conflictuelle, toute en tension, de Darl et sa sœur est admirablement bien rendue. Non, il n'y avait vraiment pas besoin d'autant de division dans les plans. Et c'est dommage, car sans cet exaspérant écart de mise en scène, le film aurait été parfait.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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