ARCHITECTON
Quelques images fascinantes pour un propos à la portée limitée
Après l’eau, le béton, donc la roche, est le matériau le plus utilisé par l’Homme. L’extraction a pris des dimensions tentaculaires, alors que certains prônent une approche plus proche de la nature et des cycles de vie…
On pourrait qualifier "Architecton" de documentaire environnemental, tant sa conclusion vient appuyer la question de la surconsommation des ressources, l’intérêt d’utiliser des matériaux recyclables voire de revenir à des matériaux fertiles (le béton étant considéré comme un matériau « aride »). Un architecte italien, Michele De Lucchi, qui revient régulièrement, façonnant un jardin avec ses ouvriers, au fil du film, s’interroge en effet, peu avant la conclusion du métrage, sur le fait que l’Homme savait construire pour 1000 ans, et qu’il ne construit aujourd’hui plus que pour 40 ans. Pourtant ce documentaire a bien du mal à clarifier son propos, sur le cycle de vie des constructions ou la réutilisation des matériaux, l’essentiel des images étant consacré au gigantisme des extractions comme à la fragmentation de la roche, alors que les passages avec ce vieil homme ne permettent de formaliser que peu de théories, dont certaines sont aujourd’hui plus que discutables. Cet architecte affirme notamment ainsi qu’il « dessine le comportement des gens », phrase qui en soit aurait de quoi faire bondir bon nombre de Grand Prix de l’urbanisme en France (souvent eux-mêmes architectes-urbanistes) dont les approches depuis des décennies sont justement de considérer que l’on ne décide jamais par le dessin, et certainement pas des comportements des usagers.
Si l’on fait abstraction d’un propos finalement assez flou et de rares positions discutables, le reste du documentaire signé Victor Kossakovsky ("Vivan las antipodas" et "Aquarela") offre cependant de nombreuses images d’une fascinante beauté. Il en va ainsi des carrières d'exploitation, où un homme donne l'échelle des parts que l’homme détache, et dans lesquelles d'impressionnants effets de vagues ont lieu, suite à des explosions, des pierres qui dansent les unes sur les autres sur un tapis roulant, d'un bâtiment arrondi abandonné, d'éboulements à l'énorme bruit presque infernal, des colonnes de camions et montagnes de débris, où les pelleteuses s'affairent tels de grouillants insectes... Chaque plan ici est sujet à une perception poétique de cette exploitation humaine qui façonne la nature. Et au final les images marquent forcément l'inconscient, nous renvoyant à notre petitesse et sans doute à une autre manière, nécessaire, de considérer la nature et ses ressources.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur