ANOTHER END

Un film de Piero Messina

Une troublante approche du deuil, par la science fiction

Synopsis du film

Sal a perdu l’amour de sa vie, Zoé, lors d’un accident. Sa sœur, Ebe, lui suggère de faire appel à la société Aeterna, afin de rendre le deuil moins difficile, en ramenant brièvement à la vie la conscience de Zoé, au travers d’une autre femme. Mais l’expérience ne peut durer qu’un temps…

Critique du film ANOTHER END

Film de science-fiction italien, passé par la compétition du Festival de Berlin 2024, "Another End" a été tourné en anglais, avec un casting international de renom. D’emblée, le long métrage captive par son atmosphère à la fois étrange et aseptisée. L’introduction donne le ton, avec un homme qui se rend chez une vielle dame pour l’aider à réparer sa douche. Mais alors que le mari de celle-ci s’endort dans son fauteuil, on aperçoit en reflet des hommes se mettant à le déplacer et le mettant dans un sac. La vieille dame s’approche alors, déposant un baiser sur le front de son mari, s’adressant aux hommes qui l’emmènent dans une ambulance, dit : « à demain ». S’ensuit un générique de début en forme de ballet d’ambulances, portant toutes le logo AE, et évoluant dans les lumières nocturnes d'une ville aux grands immeubles modernes.

Le principe et les enjeux sont mis en lumière par petites touches, très cliniques, au fil du métrage. Chacun peut ainsi désormais, non seulement visionner les souvenirs d’un proche décédé (représentés ici en caméra subjective, comme une expérience VR), mais il est aussi possible de transplanter la conscience de cette personne dans un autre corps, appelé « un hôte », ceci afin de reconnecter quelque temps avec elle et de pouvoir faire son deuil avec plus de douceur. Le principe n’est pas loin de celui de "Alps" de Yorgos Lanthimos, qui lui faisait appel à des comédiens, laissant donc la science-fiction de côté. Mais l’expérience ne pouvant durer qu’un temps, sasn risquer de mettre en danger l’hôte, le scénario interroge intelligemment les risques liés au fait qu’à un moment donné, il faut véritablement savoir dire adieu. Car si l’effet thérapeutique peut être bénéfique sur certains, il peut créer l’illusion d’une poursuite du lien, voire lui donner un caractère éternel.

C’est ainsi que le personnage principal, gavé de médocs d’alcool et de rap, interprété par Gaël Garcia Bernal, va non seulement être tenté de vouloir toujours passer plus de temps avec la personne disparue, mais aussi de franchir l’interdit : celui de connecter avec l'hôte dans la vraie vie. Aidé par deux actrices investies, Bérénice Bejo (la sœur, Ebe) et Renate Reinsve ("Julie (en 12 chapitres)", "A Different Man"), qui joue l’hôte, le réalisateur Piero Messina (déjà auteur de "L'Attente" avec Juliette Binoche et Lou de Laâge) essaye d’aborder tous les points de vue autour de cette technique forcément controversée, au travers d’un scénario à la mélancolie affirmée. Confrontant son personnage à ses propres désirs et à son égoïsme, mais aussi à une société où la multiplicité des hôtes fait froid dans le dos (voir le cas troublant de la voisine), "Another End" peine cependant à dégager une réelle émotion, en appuyant sur la corde sensible et en voulant justement faire de toute la société un lieu de deuil généralisé.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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