ANGE
Film-instrument
Synopsis du film
Voyageur solitaire et musicologue féru de musique tzigane, Ange traverse la France avec son vieux van dans le but d’aller rembourser une dette envers son vieil ami Marco, avec qui il est en froid depuis quelques années. Solea, 17 ans, fille de son premier amour, l’accompagne dans ce voyage en direction de la Méditerranée…

Critique du film ANGE
Les films de Tony Gatlif se suivent… et se ressemblent un peu trop. Enfin, pas tout à fait : disons que c’est surtout le sentiment de familiarité avec ses codes narratifs (l’invitation au voyage sur fond de musique), ses marottes favorites (la chaleur des sonorités gitanes qui rapproche les êtres) et ses personnages (dont la quête de liberté constitue la seule vraie patrie) qui tend à générer cet effet. Reste que si le fait de se savoir bien dans ses pantoufles devant le travail d’un auteur désormais identifiable a ses bons côtés, le principe peut aussi révéler ses limites au moindre signe de relâchement. Tel est hélas le cas de ce nouveau film, prototype simpliste (au mieux) ou carrément bâclé (au pire) d’un style qui fait mine de vouloir faire primer les apartés musicales sur le récit lui-même, à tel point qu’on en vient à se demander si le réalisateur autrefois inspiré d’"Exils" – ici en toute petite forme – n’aurait pas pensé et rédigé le second en fonction des premiers. Car rien dans ce film ne signe l’effort de construire un minimum de progression narrative, de tracer un semblant d’évolution dans le schéma interne des personnages, voire même de créer une simple montée d’émotion au gré des étapes de ce voyage aussi musical que mélancolique.
Déjà pas aidé par des interprétations d’une folle inexpressivité (l’unique expression faciale d’Arthur H. se passe de commentaires), Gatlif tente surtout une esquive malhabile en misant tous ses jetons sur la recherche constante d’une rythmique par le biais d’un protagoniste avant tout caractérisé par ses gestes. Ange qui claque la surface de l’eau lors d’une baignade, Ange qui singe la foudre via des coups de bêche sous un poteau électrique, Ange qui joue du piano invisible avec Chico qui prend son balai pour une guitare… On saisit bien l’idée : tout n’est que son, mélodie, rythme, donc moyen de réinjecter de la musicalité dans un quotidien morne et lambda. Sauf qu’à ce parti pris-là, le film n’oppose aucun contrepoint, aucun enjeu précis, aucun conflit susceptible d’élever la portée de la démarche. Si musicalité il y a dans "Ange", elle n’est qu’artificielle, plaquée sur le bas-côté de la route sous la forme de petits orchestres plus incongrus qu’autre chose, calée en hors sujet thématique gros comme une maison (quid de ce chant révolutionnaire anticapitaliste italien dans un bar ?), voire réduite au néant lorsque s’impose en maître le phrasé lourd des dialogues (surtout ceux de la fille du héros, qui cause souvent par imitations ou par métaphores). Ne reste alors qu’une seule option : oublier ce qui est raconté à l’image et savourer ce qui est joué à l’instrument, comme lors d’un concert improvisé qui ferait passer le temps à défaut de nous réchauffer le cœur et l’âme. Peut-on vraiment s’en contenter ?
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur