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ANELKA, L'INCOMPRIS

Un film de Franck Nataf

Une réhabilitation d’une insupportable complaisance

Retour sur la carrière footballistique Nicolas Anelka, dont les polémiques qui ont émaillé son parcours…

Sortie le 5 août 2020 sur Netflix

Au début du film, Anelka commente sa retraite sportive en disant qu’il ne l’a pas médiatisée parce que « tout le monde s’en fout ». Une question se pose alors : ne s’en fout-on donc pas d’un documentaire sur lui ? L’objectif de ce film est flagrant dès le début (et même dès la lecture du titre) : réhabiliter le grand Nicolas Anelka et en faire un héros injustement rejeté !

Cette opération blanchiment/séduction passe donc par une hagiographie totalement dévouée à la cause Anelka, à grands renforts d’effets m’as-tu-vu (et méga-blingbling pour les scènes de sa vie actuelle à Dubaï). D’un point de vue formel, "Anelka, l’incompris" recycle des techniques utilisées par les films de propagande ou les montages complotistes (toutes proportions gardées), au profit d’un homme que le réalisateur (un photographe qui côtoie le footballeur depuis longtemps) a décidé de glorifier à tout prix.

Il y a forcément un point de vue dans un documentaire, mais tout point de vue n’est pas forcément pertinent – voire décent. Tout ou presque est dans le sens du poil d’Anelka dans ce film, qui convoque toutes les personnes pouvant aider à ériger cette célébration de l’ex-footballeur. Omar Sy, ami d’enfance, fait notamment figure de caution sympathie, quand d’autres, comme Arsène Wenger, sont là pour justifier la glorification sportive nécessaire à l’entreprise de ce long métrage.

Toute sa carrière serait-elle donc un malentendu ? Si le documentaire est convainquant dans la défense des qualités purement sportives de Nicolas Anelka, les arguments concernant les autres aspects sont beaucoup moins audibles. L’excuse de la jeunesse, l’excuse de la banlieue, l’excuse de la franchise, l’excuse du talent, l’excuse de la pudeur des sentiments… Pourquoi Anelka a-t-il besoin de toutes ces excuses ? Pourquoi seraient-elles acceptables pour lui et pas pour d’autres ? N’y a-t-il pas d’autres joueurs avec les mêmes excuses qui ne se comportent pas de la même façon ? Et surtout pourquoi tout excuser (ou presque) de la part d’Anelka mais rejeter par ailleurs la faute sur tous ceux qui ont osé se mettre en travers de son chemin ou le critiquer, sans jamais leur accorder la moindre excuse ?

Hors archives (qui sont montrées pour être contrées et revisitées), il y a peu de dissonances au fil du documentaire (Gérard Houiller est un des rares à ne pas chanter les louanges d’Anelka parmi les personnes interrogées). Certaines personnes sont même ouvertement discréditées sans que la parole ne leur soit donnée (Jacques Santini par exemple). Car le film ne donne pas dans la demi-mesure : tous les « ennemis » d’Anelka sont les vrais méchants et Anelka est un bon gars !

Lorsque les principales polémiques sont abordées, on peut admettre qu’il y ait eu quelques exagérations et que les responsabilités soient plus partagées. Mais qu’Anelka n’ait rien à se reprocher, ce n’est sans doute guère recevable. Au sujet du fameux épisode de Knysna en 2010, le film rejoue ce fiasco sous un angle qui fait donc d’Anelka une simple victime voire un héros à la Spartacus, en dépit du manque flagrant de respect dont il a pu faire preuve vis-à-vis de la hiérarchie durant cette Coupe du monde en particulier comme durant sa carrière de façon générale. Même sa quenelle réalisée après un but en 2013 est minorée : ce ne serait qu’un quiproquo et « seulement » une insulte adressée à un ancien coach par esprit de vengeance ! Une broutille, donc… Là encore, si on peut accepter qu’il n’y ait pas eu d’intention antisémite derrière son geste, l’absence de remise en question personnelle de la part d’Anelka est difficilement supportable.

À en croire "Anelka, l’incompris", ce héros serait même devenu un homme sage et humble. Le réalisateur brosse ainsi le portrait d’un père exemplaire et modeste (qui vit quand même dans le luxe de Dubaï, n’est-ce pas). Cela sonne désespérément faux et le film aurait finalement pu s’intituler "Le Calimero des terrains", tellement les ficelles sont grosses. N'était-il pas mieux d'oublier Anelka et de passer à autre chose ?

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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