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AMERRIKA

Un film de Cherien Dabis

Le choc des cultures

Palestinienne et mère divorcée élevant son fils de 15 ans, Mouna, vit dans les territoires occupés de Cisjordanie. En rentrant un soir du travail, elle reçoit un avis favorable à la demande d'asile qu'elle avait faite au gouvernement américain des années auparavant. Avec son fils, elle décide de tout quitter pour rejoindre sa sœur qui vit là-bas depuis quinze ans, afin de commencer une nouvelle vie...

Le premier film de Cherien Dabis, lauréat du prix de la fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI) à Cannes pour s'être illustré comme étant une œuvre originale, risquée et personnelle, mérite bien son prix. Originale, car "Amerrika" nous emmène sur un sujet pas forcément attendu en évitant délibérément d'alimenter la polémique de l'occupation israélienne pour se concentrer sur les difficultés d'intégration dans un pays aux mœurs très différents.

En effet, même si le début du film montre sans équivoque les injustices de l'occupation, notamment lors des passages des barrages, la réalisatrice choisit de bifurquer très vite dans la comédie dramatique dès l'arrivée aux Etats-Unis et ce, pour notre plus grand plaisir. Originale aussi, car cette œuvre présente des personnages allant bien au-delà des stéréotypes habituels à l'image du directeur du lycée ou du beau frère de Mouna.

Originale enfin, car on assiste, pour une fois, à un film qui, même en s'attelant à un sujet aussi sérieux que l'immigration, n'hésite pas à jouer la carte de l'humour avec brio. Le choc des cultures est alors détonnant, même lorsqu'il s'agit d'intolérance, et la comédie sert toujours le propos et jamais l'inverse.

Risquée, car même si son intention est bien plus sociétale que politique, la réalisatrice américaine choisit de filmer la quasi-intégralité de son long métrage en caméra portée, lui donnant des allures à la limite entre le reportage et le film d'auteur européen. Ce parti pris ne l'empêche pas moins de filmer ses personnages avec une tendresse et une sensibilité non dissimulées.

Risqué, le choix des comédiens l'est également. Hiam Abbass et Alia Shawkat mis à part, Cherien Dabis adopte une majorité de comédiens totalement inconnus. Le rendu n'en parait que plus authentique grâce à leurs interprétations, la réalisatrice mettant en scène de nombreuses confrontations entre des personnages aux caractères très différents. On pense instantanément aux deux formidables performances du film: Hiam Abbass en mère de famille confortablement installée et désabusée par un pays dont elle connaît les codes et Nisreen Faour qui, à l'inverse, porte un personnage extrêmement touchant de par la naïveté et l'optimisme sans faille qu'il dégage. Les actrices (jusque celles jouant les filles de Raghda) communiquent leur énergie et crèvent l'écran.

Enfin, "Amerrika" est clairement une œuvre personnelle, puisque Cherien Dabis y raconte le vécu de sa famille et notamment de sa tante, qui a suivi à peu de choses près, le même parcours que Mouna, le personnage principal. En définitive, il s'en dégage une authenticité particulière soutenue par une écriture subtile entre humour et discours de fond. Un bel équilibre pour un premier film.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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