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AMERICAN PASTORAL

Un film de Ewan McGregor

Ewan McGregor réussit quasiment l'impossible en adaptant avec soin et délicatesse Philip Roth

Seymour Levov, surnommé le Suédois, est une légende dans sa petite ville. Star du lycée, homme d'affaires prospère, la vie lui a toujours souri. Jusqu'au jour où il assiste, impuissant, à la radicalisation de sa fille, accusée de terrorisme. Sa famille sera alors meurtrie à jamais...

Pour son premier passage derrière la caméra, Ewan McGregor s'est lancé dans un pari fou : adapter un monument de la littérature américaine, American Pastoral de Philip Roth, sublime fresque sur l'Amérique des années 60. Oeuvre foisonnante aux multiples ramifications, le néo-cinéaste et son scénariste ont choisi, à juste titre, de ne pas rechercher à transposer tel quel un ouvrage par nature difficilement convertible en objet cinématographique (de par sa narration décousue et la multitude des protagonistes). Le film se focalise ainsi sur la relation entre Seymour Levov, véritable légende dans sa ville, et sa fille unique tant aimée. Après avoir été la star du lycée, celui qu'on surnomme « le Suédois » a épousé la plus belle femme du coin tout en reprenant un commerce prospère de ganterie. Sa vie de famille devait suivre un chemin tout aussi heureux, jusqu'à ce que sa progéniture décide de se transformer en militante extrémiste.

Moins profond et virulent que le matériau originel, "American Pastoral" demeure un drame poignant et passionnant, aussi bien lorsqu'il s'attaque à la filiation que lorsqu'il cherche à décortiquer les prémices d'un radicalisme. Prenant le temps d'installer son récit, le métrage autopsie avec sobriété la transformation d'une petite fille bègue en une adolescente révoltée, d'abord contre la guerre, puis contre la société et finalement contre tout. Si sa trajectoire est évidemment bouleversante, ce sont les stigmates visibles sur les parents qui émeuvent le plus, en particulier sur ce père meurtri, incapable d'abandonner son enfant à un parcours inéluctablement tragique. Les couleurs chaudes des premiers instants laissent alors place à une grisaille permanente, à des contrastes plus marqués.

Néanmoins, cette dissection élégante de la déconstruction d'une cellule familiale constitue paradoxalement à la fois la force et la faiblesse du film. La force, parce que ce choix scénaristique offre un vrai point de vue à l'ensemble, et gagne en intensité et efficacité tout ce qu'il perd en complexité. La faiblesse, parce qu'"American Pastoral" devient trop rapidement qu'un simple drame familial, reléguant au second plan toute la dimension pamphlétaire. Regardant au loin la révolte sociale et citoyenne des années 60, cette fin des idéaux dans une Amérique qui ne peut plus ignorer ses maux, ce tableau historique se prive d'un pan indispensable à son intrigue. Moins dérangeant que prévu et un brin trop classique, ce premier essai d'Ewan McGregor confirme toutefois aisément qu'après être un excellent acteur, il pourrait devenir un réalisateur à suivre. Wait and see...

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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