AMÉLIE ET LA MÉTAPHYSIQUE DES TUBES
Une belle réflexion sur la perte et la persistance des souvenirs, à hauteur d’enfant
Synopsis du film
Avant l’âge de 2 ans et demi, la petite Amélie, née au Japon de parents belges, ne parlait pas et ne bougeait pas. Il a suffi d’une poussière pour qu’explose sa bulle et que l’enfant calme s’agite, devenant plus proche de la bonne de la maison, Nishio-san, que de ses frère et sœur, André et Juliette. Mais cette proximité n’était pas du goût de la propriétaire de la maison, l’austère madame Kashima-san…

Critique du film AMÉLIE ET LA MÉTAPHYSIQUE DES TUBES
Dans une esthétique qui n’est pas sans rappeler les films de Rémy Chayé ("Tout en haut du monde" et "Calamity", ici en contribution à la création graphique des personnages), faite de taches de couleurs, donnant ainsi du volume aux personnages comme aux paysages par l’usage de l’ombre et de la lumière. Une évocation des impressionnistes que l’on retrouve ici dans les ambiances créées par Maïlys Vallade et Liane-Cho Han, notamment quand il s’agit du rendu des jardins japonais ou d'une cérémonie nocturne en bord de rivière. Adapté du livre autobiographique éponyme signé Amélie Nothomb, le film est donc raconté à la première personne, par celle qui se décrit comme Dieu dans les premières minutes, avant d’apprendre à communiquer et à chérir ses souvenirs, transformant au final la perte en quelque chose d’acceptable.
Située principalement entre les âges de 2,5 et 3 ans, après avoir démarrée en 1969, l’action adopte le ton si particulier de l’autrice, créant du comique de situation là où l’émotion est souvent prête à poindre. La manière dont Amélie va par exemple trouver soudainement la parole est des plus amusantes, synonyme d’une vision encore enfantine du monde, que le scénario va peu à peu mettre au contact des préoccupations des adultes (l’austère propriétaire, Madame Kashima-san, la servante complice, Nishio-san, toutes deux marquées par la guerre à leur manière). La mise en scène représente d’ailleurs de manière douce et vive, l’équilibre et l’apaisement apporté par cette dernière, notamment au travers d’un montage faisant se succéder des moments simples du quotidien : bain, entretien des plantes, ménage, gymnastique…
Graphiquement le métrage est tout juste magnifique, notamment dans le rendu des surfaces mouillées et de la pluie, la représentation d’une journée à la plage (dans des teintes vertes et jaunes), ou l’agitation effrénée des carpes venant se nourrir à la surface de l’eau. Ajoutez à cela quelques trouvailles de mise en scène, comme l’évocation d’un tremblement de terre depuis l’intérieur d’une salade de riz ou la découverte d’un jardin florissant au fil du passage de l’héroïne. Au final, "Amélie et la métaphysique des tubes" s’inscrit parmi les plus beaux films récents sur la formation d’une identité propre, la préciosité des souvenirs, notamment d’enfance, et la capacité des blessures à se refermer avec le temps.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur