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AMANDA

Un film de Mikhaël Hers

Un drame symbole de la différence cinématographique franco-américaine (attention Spoiler)

David, du haut de ses 24 ans, est un jeune homme qui vit au jour le jour, cumulant les emplois et profitant de la vie, en évitant les prises de décision et les responsabilités. Cela risque de changer lorsqu’il doit prendre en charge Amanda, la fille de sa sœur aînée...

Mikhael Hers, à qui l’on doit notamment "Ce sentiment de l’été" sorti en 2016, nous revient cette fois-ci avec plus ou moins les mêmes thématiques avec son nouveau long métrage "Amanda". Le scénario suit David, interprété par Vincent Lacoste, qui va devoir se confronter à ses responsabilités suite à un événement important impactant sa vie à jamais. Un changement sans retour possible, qui lui fera découvrir un nouveau monde à travers Amanda : celui de l’adulte.

Vous l’aurez compris, le scénario se veut simple et même assez convenu de prime abord, la structure narrative restant collée à la nonchalance de David en bien des points. Mais ce qui fait la différence ici, ce sont les personnages et leurs relations, notamment celle entre David et Amanda, avec cette double dépendance et ce double apprentissage, la réaction de l’un face au deuil étant l’incarnation de la catharsis pour l’autre. Une relation et un rapprochement d’autant plus intéressants lorsqu’on la met en parallèle avec celle de David et Léna, qui se dégrade progressivement à la suite de l’événement perturbateur. La performance des acteurs est d’ailleurs toujours très juste, que ce soit Vincent Lacoste ou la très jeune Isaure Mulltrier qui bien que surjouant parfois légèrement, reste assez sobre, voire même bluffante dans les scènes les plus importantes.

La réalisation de Mikhael Hers suit, elle aussi, l’esprit du scénario, à savoir une mise scène simple, afin de nous montrer la reconstruction après un événement traumatisant, en se concentrant sur le réapprentissage du quotidien, comme avec la brosse à dent par exemple ou encore lorsque David refuse de dormir dans le lit de sa sœur et préfère dormir sur le canapé. Michael Hers privilégie donc des plans plutôt fixes et proches de ses personnages, tout comme son histoire privilégie ces derniers, plutôt que l’événement, qui ne sert finalement que de toile de fond et évite tout effet qui pourrait être un tant soit peu impressionnant (pas de plan-séquence ni de mouvement caméra élaboré). Un principe de mise en scène qui peut paraître ennuyeux de prime abord, mais qui au final colle bien aux thématiques du film et nous fait parfaitement ressentir cette inertie post traumatique, comme si tout, la caméra y compris, s’était arrêté après et doit réapprendre à avancer malgré tout, petit à petit.

Reste que, si les thématiques les plus intéressantes liées à l’événement sont bien présentes, elles restent néanmoins secondaires, Mikhael Hers ayant décidé de plus concentrer son récit sur le passage à l’âge adulte de David et sa prise de responsabilité avec Amanda. Certains pourront regretter ce parti-pris, qui s’avère peu novateur, même si le tout reste de très bonne facture.

Mais il se pourrait bien qu’au final l’intérêt majeur d’"Amanda" ne soit pas le film lui-même, mais le contexte de celui-ci au sein de la mouvance dans laquelle il s’inscrit, à savoir les films post 13 Novembre tels que "La Nuit a Dévoré le Monde" ou "Dans la brume" pour ne citer qu’eux, et la comparaison de ceux-ci au cinéma américain post 11 septembre qui est assez frappante et assez représentative de la différence entre ces deux cultures, autant d’un point de vue purement cinématographique que plus large. Là où les films post 11 Septembre nous ont donné des films d’action à gros budget tel que les films de super-héros par exemple, où l’action est le plus important et agit comme catharsis par réécriture de l’Histoire (les héros empêchant les attentats), le cinéma français nous livre plutôt des films centrés sur l’humain avant tout, ses réactions et une catharsis passant par l’analyse et l’acceptation permettant de se reconstruire et d’aller de l’avant.

Au final, "Amanda" est un drame qui se veut simple, avec une réalisation qui dans cette optique est parfaitement réussie, mais qui aurait peut-être été plus pertinente s’il avait été décidé d’exploiter pleinement les traumatismes des uns et des autres, plutôt que de les utiliser comme toile de fond.

Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur

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