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ALL THAT I LOVE

Un film de Jacek Borcuch

Le temps de l’innocence

Pologne, printemps 1981. Jacek passe son temps entre le lycée, sa petite amie et son groupe de punk, se souciant peu des défilés de Solidarnosc, qui continue de s’opposer bruyamment au régime. Pourtant, on ne peut pas dire que la profession de son père –militaire- soit en phase avec les personnes qu’il fréquente et la musique qu’il joue. Et le jour où le père de sa petite amie, militant engagé, est arrêté, le petit monde de Jacek se met à basculer…

Contrairement aux apparences, « All that I love » n’est pas une peinture politique et sociale de la société polonaise, mais un film sur l’adolescence et l’innocence. En effet, le jeune héros semble peu enclin à s’émouvoir du contexte social dans lequel il évolue, sans doute par instinct de survie et par besoin de vivre pleinement les instants qui le séparent encore de l’âge adulte. Et si sa petite amie semble prendre part à la rébellion qui anime le pays, Jacek persiste à y voir plus un art et un défouloir, que l’expression d’une conviction. En somme, il ne semble pas vraiment comprendre le monde qui l’entoure, et ne réagit que lorsque sa famille est mise en danger, ou sa petite vie bousculée. Un parti-pris subjectif qui permet de se concentrer sur l’histoire de Jacek et de lui donner une portée universelle.

La musique étant centrale, « All that I love » (qui est en fait le développement de l’acronyme ATIL, le nom du groupe de Jacek) prend parfois des airs de film pour ados, mettant au cœur les préoccupations du protagoniste et de sa bande d’amis. Et même si le punk était, au début des années 80, un moyen d’exprimer la révolte (tout en contournant la censure par le fait d’hurler les paroles, jusqu’à les rendre inaudibles), il est utilisé dans le film avant tout comme un levier scénaristique : il forge l’amitié du groupe, permet de séduire les femmes et les jeunes, fait se sentir vivre. En témoigne cette jolie séquence où Jacek, dans un état jubilatoire, apprend que son groupe a été sélectionné pour un festival. Dans l’ensemble, le film n’est donc pas d’une grande force émotionnelle ni d’une profondeur délirante, mais il s’avère frais et agréable à regarder, ravivant par moments le souvenir de ces micro-instants qu’on n’imaginait pas, à l’époque, être les plus beaux de notre vie.

« All that I love » présente également un intérêt par son formalisme, évanescent et aérien, son casting (mention spéciale au copain blondinet battu par son père et aux parents, franchement attachants), mais aussi son souci du détail, tant dans les dialogues que dans les ambiances intérieures. Le film délivre par ailleurs quelques jolis moments de grâce, comme celui où Jacek rend visite contraint et forcé à sa grand-mère souffrante. Il rechigne tout d’abord à la voir, parce qu’un ado a toujours mieux à faire. Mais une fois sur place, il se laisse subitement submerger par une émotion indescriptible, comprenant alors que sa grand-mère n’en a plus pour longtemps. Cette scène résume assez bien l’idée du film : la jeunesse, c’est à la fois se désintéresser des autres, ne penser qu’à soi, mais aussi être soudainement touché au plus profond de sa chair, subir la versatilité des émotions et des sentiments, passer du désinvolte au grave et, surtout, être un peu seul au monde.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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