AIMER PERDRE
POUR : Ne pas plaire, ne pas aimer, mais courir vite !
Armande n’a pas grand chose pour elle : pas de boulot, pas de chambre, pas d’avenir a priori. Elle a pourtant un petit quelque chose : son amour du jeu et des paris. Cette passion l’entraîne dans Bruxelles et alentour, au gré de rencontres et de paris parfois réussis, parfois moins…

Après un premier long métrage passé par la case OCS chez nous, ''Fils de Plouc'', le second film d’Harpo et Lenny Guit a cette fois les honneurs d’une sortie dans les salles obscures. Et pas de doute, les deux frères poursuivent dans la veine comique. En même temps, pourrait-il en être différemment lorsque leurs prénoms ont été choisis en hommage à un Marx Brothers et à Lenny Bruce, légende du stand-up américain ? Ici, leur caméra suit Armande Pigeon, une jeune femme qui compte bien faire mentir son patronyme. Dans un Bruxelles chaotique et interlope, elle se balade de cercles de jeux en bars clandestins, prête à tout parier pour gagner quelques euros. Peu importe le résultat, tout est dans le frisson, dans cette frénésie du risque – ne comptez pas sur elle pour mettre de côté après avoir raflé la mise.
Forcément lorsqu’on ne jure que par le « quitte ou double », la stabilité fait rarement partie de son quotidien. S’enfonçant toujours plus dans la loose, le personnage multiplie les rencontres et les conversations qui semblent aussi être décidées au pile-ou-face. Chaque séquence en amène une autre dont il est bien difficile d’en devenir la gageure. Là où cela ne pourrait être qu’une succession bordélique de saynètes, ''Aimer perdre'' s’affirme comme une comédie loufoque poétique, aux dialogues aiguisés et aux punchlines tordantes. Toujours sur un fil, le métrage s’amuse à exploser les conventions, refusant tout chemin tracé pour laisser libre cours à une énergie dévorante jouissive.
Il est souvent difficile de capturer le parcours des loosers, car cela se limite trop régulièrement aux stoner movies et ses dérivés, à des œuvres où le scénario est réduit à la caractérisation des protagonistes. Derrière son illusion de non-maîtrise, le film des frères Guit est au contraire un modèle d’œuvre organique, une forme qui épouse parfaitement le propos pour mieux en transcender les émotions. Grâce à une exceptionnelle María Cavalier-Bazan et un panorama de seconds rôles hauts en couleur, ce trip sur-vitaminé raconte bien plus de choses que les galères d’une accro au jeu. Il est question de déterminisme social, des liens familiaux et bien sûr d’amour, ce sentiment aussi tumultueux que les pérégrinations de notre héroïne. Insaisissable et inventif ''Aimer perdre'' est une ode à la liberté narrative comme rarement vu. Et cela vaut bien le détour par une salle obscure. Erratum : Courrez-y !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteurCONTRE : Ou comment se faire pigeonner
"Aimer Perdre" ressemble à un mélange entre l’émission mythique Strip-tease et un film des années 80 avec bande son kitch à l’appui (un peu comme "Les Sous-doués"). L’histoire nous entraîne sur les choix questionnables d’Armande qui préfère la frisson des paris aux frissons des relations humaines, et qui malgré son côté déglingué est pourtant entourée non pas par un, mais par quatre jeunes hommes en quête de son cœur. On veut bien y croire pour 1 ou 2, mais 4 c’est que les scénaristes voulaient bien nous rappeler que le film parle d’amour aussi…
Le problème dans tout ça c’est que le trait de l’absurde, qui pourrait nous faire rire, n’est jamais poussé en cohérence avec le fond et la forme. Par exemple, les personnages qui entourent Armande et Armande elle-même, ont tous un grain et pourraient nous faire esquisser un sourire, mais soit les dialogues semblent improvisés tant ils n’amènent rien de plus que ce que l’on constate à l’écran, soit les acteurs ne sont pas si bons car on se demande régulièrement s’il s’agit là de la répétition générale ou de la scène définitive.
Il y a certes des bonnes idées dans l’histoire, comme le nom de famille d’Armande : Pigeon, qui nous laisse à imaginer toutes les errances qu’elle a pu traverser pour être si minable aujourd’hui, et justement le fait qu’elle s’entiche d’un pigeon à soigner. Il y a aussi des intentions de mise en scène, comme le plan du phare du vélo qui clignote et éclaire en contre jour l’actrice principale qui marche vers nous. Mais ce grain qui veut donner une pâte « amateur » à l’ensemble gâche tout. En bref, "Aimer Perdre" est censé faire rire, mais on attend le sourire que cela doit déclencher pendant 1h30. Peut-être qu’on s’est arrêté au second degré, alors qu’il fallait le prendre quelques degrés plus bas.
Océane CachatEnvoyer un message au rédacteur