À LA LUEUR DE LA CHANDELLE

Un film de André Gil Mata

Le songe d’une maison aux quatre saisons

Deux femmes qui partagent leur quotidien depuis soixante ans voient les fantômes du passé ressurgir…

''À la lueur de la chandelle'' film movie

Il ne sert à rien d’entretenir un faux suspense : ''À la lueur de la chandelle'' est un film à réserver aux initiés, aux cinéphiles les plus aguerris, ceux qui n’ont pas peur de devoir attendre 30 minutes pour écouter un premier dialogue, ceux prêts à accepter la lenteur extrême de la contemplation (à côté, le rythme des métrages d’Apichatpong Weerasethakul, c’est ''Fast & Furious''). Dans cette demeure où Alzira et Beatriz résident depuis plus de 60 ans, les souvenirs empreignent les murs, le passé et le présent se superposent aussi bien métaphoriquement que visuellement. La première est l’enfant des lieux, ayant grandi ici avant de devenir mère en ce même endroit. La seconde est la domestique, la gardienne du temple, ayant sacrifié sa propre existence pour son entretien et l’éducation des progénitures de son employeur.

Formé à la Film Factory de Béla Tarr, André Gil Mata est un adepte d’un cinéma radical, aux plans sibyllins et aux mouvements de caméra minimalistes. Dans ce huis clos en 16 millimètres, il utilise alors l’artifice cinématographique comme un moyen de décupler les sensations. À l’opposé d’un ''Here'' qui reposait sur un procédé narratif proche (une maison comme exploration de différentes temporalités), le film se construit comme une expérience onirique où les saisons se résument en morceaux d’une seule journée, où les défunts reviennent le temps d’un dîner, où l’on croise sa jeunesse au détour d’un couloir.

À l’image des réminiscences inattendues que nous offre souvent notre esprit, cette œuvre picturale invite les songes d’autrefois à cohabiter avec les regrets d’un quotidien plongé dans l’inertie. Derrière son concept de « fantastique intello », se cache le portrait bouleversant de deux femmes dont l’existence n’a pas été celle fantasmée, la faute à un mariage ou à un travail. Déambulant au crépuscule de leur vie, murées dans le silence, leur regard dessine un creux toute une époque, une société, des mœurs et des règles qui les ont privées de leurs libertés. Si le résultat est difficilement accessible, indéniablement âpre, son message est lui troublant de simplicité et d’émotions.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire