Festival Que du feu 2024 encart

A HOLY FAMILY

Un film de A-Liang "Elvis" Lu

Hasards et divinités

A-Liang, qui ne donne pas souvent de nouvelles, revient après 20 ans d’absence, passer 3 jours dans sa famille qui vit dans un village reculé de Taïwan. Il filme son père, joueur invétéré, sa mère qui fait la cuisine, et son frère, supposé médium qui interroge les Dieux, qui vend des ananas sur une étale dans la rue, et a décidé se lancer dans la culture de fraises…

Comme il le dit lui-même, il aura fallu un certain temps à A-Liang pour se décider à revenir côtoyer sa famille, dont il s’était éloigné il y a des années, tout comme sa sœur. Revenu finalement filmer les contradictions de cette famille, entre addiction au jeu du père, dont tous se font un peu complices, et appel récurrent aux divinités, pour tenter d’entrevoir un destin qui ne soit pas seulement dicté par le hasard. Et quoi de plus démonstratif qu'un violent orage qui inonde les champs de riz, tout comme celui voisin du grand frère, pour se confronter à la réalité des oracles. Détaillant l'imposant autel qui trône dans le salon, avec figures en bois sculpté, bols métalliques et sémaphores, plaque fumante et encens, comme bougies de couleur rose, il observe la succession effrénée de rituels auxquels s'adonnent chaque membre de la famille, comme imbibés de cette croyance contagieuse, jusqu'à son neveu, soudainement désemparé face au destin qui frappe la récolte de son père.

Mais l'émotion que dégage le film, qui s'étendra finalement sur plusieurs visites, provient de la capacité du documentariste à passer d'observateur de cette famille, à un homme à nouveau impliqué dans son fonctionnement. Il saisit en effet avec tact la douleur du manque exprimée par sa mère, la complicité protectrice de son grand frère avec son fis, mais surtout la persévérance face aux obstacles de la vie : météo pour les cultures, maladie du père... Particulièrement émouvant sur sa conclusion, "A Holy Family" met en avant au final, une certaine forme d'optimisme qui n'a rien à voir avec les hasards du jeu ou les destins imposés par des déités, ainsi qu'un désir d'aller de l'avant. Il clôt d’ailleurs son métrage par un plan de la balade avec sa mère sur une plage où lui-même dit « on arrête là », auquel elle répond en poursuivant son chemin par un significatif « je vais voir ».

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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