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Rotterdam 2021

Rotterdam 2021 : Bilan

Le Festival de Rotterdam 2021, pour sa partie en ligne, s’est terminé le dimanche 7 février, avec le couronnement côté Tigre du meilleur film de du film indien « Pebbles » de Vinothraj P.S., qui suit un père et son fils dans un voyage douloureux, marquant leur éloignement, et côté Grand Écran du très beau et étrange « El Perro que no calla« , portrait d’un jeune homme qui reprend espoir, avec toute l’humanité. Un film qui a forcément quelques résonances en cette période de Covid.

Premier gros festival de l’année, entièrement en ligne (une deuxième séquence aura lieu en salles en juin prochain, comme pour la Berlinale), le festival aura proposé non seulement des projections, mais aussi des conversations en ligne avec les metteurs en scène (à regarder bien évidemment de préférence après les films, de façon à ne rien spoiler). Retour sur les principaux événements.

Festival de Rotterdam 2021 bilan
© "El perro que no calla" DR, Fourni par l'IFFR

Des séances "de gala" aux profils variés

Présentant notamment l'absurde "Mandibules" de Quentin Dupieux avec les acteurs du Palma Show en prise avec une mouche géante qu'ils aimeraient bien dresser, mais aussi le western culinaire de Kelly Reichardt "First Cow", au ton plutôt léger, la section Limelight aura démarré sous le signe de l'humour avec le très bon "Riders of Justice", dans lequel Mads Mikkelsen tente de venger la mort de sa femme, dans ce qu'il pense être un faux accident de métro. De vengeance et de capacité à pardonner il aura également été question dans le drame iranien "Mitra", qui met en scène une femme installée aux Pays-bas, croyant reconnaître celle qui a autrefois dénoncé sa fille, et causé son exécution. Un film poignant, sur des blessures qui ne se referment jamais.

Quelques films ont revêtu des aspects plus politiques, qu'il s'agisse de "Shorta", film danois sur deux policiers coincés dans une banlieue hostile, certes efficace niveau action, mais qui reste très manichéen, le dernier Andreï Konchalovksy "Chers camarades !" qui met en avant le rôle d'une mère face à la répression communiste de manifestations d'ouvriers, celle-ci cherchant à protéger sa fille (un peu comme le personnage de la traductrice de "La Voix d'Aïda" qui cherche à sauver sa famille du massacre de Srebenica) ou "Au commencement", film géorgien gagnant du dernier Festival de San Sebastian, aux plans sublimement composés, qui met aux prises une communauté religieuse minorité avec des locaux agressifs. Une histoire de harcèlement liée à la différence qui s'avère percutante et universelle. Mais l'originalité sera venue du film "Dead and beautiful", film de vampire mettant en scène des fils et filles de familles riches (une parabole lisible), qui contient plus d'un retournement.

Une Big Screen Competition orientée expérimentations

Même si nous n'avons pu découvrir certains films, comme l'indien "The Last Farmer", la section Big Screen aura plus marqué par ses élans expérimentateurs que par ses aspects sociaux, ceci malgré la présentation du touchant "Drifting", sur la condition des SDF à Hong Kong, ou le bouleversant et nécessaire "Aurora", sur les conditions d'avortement au Costa Rica.

On a pu découvrir ainsi "As We like it", fantaisie taïwanaise qui tente d'adapter le "Comme il vous plaira" de Shakespeare en utilisant uniquement des actrices, y compris pour jouer les personnages masculins. Certes moderne, le film souffre d'une complexité inutile. "Lone Wolf" ne fait pas mieux, en adaptant de manière apathique et laborieuse Joseph Conrad, dont la mise en scène utilise les caméras qui envahissent nos espaces de vie (webcam, surveillance, Smartphone...) pour reconstituer une histoire de corruption.

Deux documentaires se sont distingués par leur forme. "Les Sorcières de l'Orient", produit par UFO Production, faisait le portrait de 5 dames âgées, anciennes championnes olympiques de volleyball, retraçant avec tendresse leurs parcours, en mêlant les images d'archives, le quotidien d'aujourd'hui et des images d'animes montrant la ferveur pour ce sport. Tandis qu' "Archipel" affirmait l'identité québecoise au travers d'un langoureux parcours le long du Saint Laurent, donnant à voir au travers d'un montage entre croquis, archives et paysages, dans un dialogue de voix-off, l'Histoire du Québec comme le refus d'une résignation face à la domination anglo-saxonne.

Enfin, si l'asiatique "Sexual Drive" jouait avec malice avec les fantasmes érotiques liés à la nourriture, et que l'indien "The Cemil Show" jouait avec l'amour du cinéma autour d'un vigile s'imprégnant un peu trop d'un rôle de méchant, deux films ont surtout marqué la sélection : le russe "The North Wind", portrait d'une riche famille de jour de l'an en jour de l'an, le décors étant peu à peu envahi par la végétation, et l'argentin "El perro que no calla", portrait surprenant d'un jeune homme qui subit les événements jusqu'à finalement retrouver peu à peu espoir, alors que l'humanité est soumise à un étrange phénomène (que l'on ne dévoilera pas ici) aux conséquences surprenantes.

Une Tiger competition un peu plus inégale

Parmi les 15 films présentés dans la section Tiger competition, plusieurs s'intéressaient à la condition de la femme, qu'elle soit victime d'agression sexuelle (l'américain "Mayday" et sa lumineuse parabole dans un monde de femmes-sirènes se soutenant entre elles), délaissées par les hommes du fait de leur âge (l'espagnol "Destello bravio" dont l'action se situe dans un village rural), accomplissant un rituel finalement pas si dégradant (le géorgien "Bebia, à mon seul désir") ou se vengeant des hommes dans de macabres virées nocturnes (le tunisien "Black Medusa").

On n'aura pas été vraiment convaincu, ni par la pseudo comédie romantique "Friends and Strangers", ni par le laborieux polar "Feast", dénonciation des soirées contaminations organisées par des hommes séropositifs, dont le format en miroir ne séduit pas, pas plus que par "Gritt", à la formidable actrice, mais qui reste une réflexion égocentrée sur le milieu artistique, ou par "Bipolar" intrigante libération d'un homard sacré dans un restaurant tibétain.

Heureusement, "I Comete" (Un été corse) offrait une radiographie romancée de tout un village, mêlant joyeusement les générations dans une ambiance estivale qui rappelle le plaisir de se retrouver, en famille ou entre amis, et "Pebbles", le film indien primé, révélait de judicieux choix de cadrage pour un doucereux voyage où un gamin se retrouve à suivre son père, alcoolique et violent, à la recherche de sa femme, entre deux villages. Un film à l'humanité à fleur de peau.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur