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Hallucinations Collectives 2025
Hallucinations Collectives 2025 – Bilan : Premier jour
CLOUD

"Cloud" de Kiyoshi Kurosawa - Art House
Pouvait-on rêver une meilleure occasion de faire entrer le prolifique Kiyoshi Kurosawa dans l’Histoire de nos Hallus qu’en lui offrant l’ouverture de cette nouvelle édition ? Avec pas moins de trois films annoncés en sortie dans les salles françaises de cette année, c’est peu dire que le cinéaste était attendu au tournant par ses admirateurs – dont nous faisons clairement partie.
Les festivités ont en tout cas démarré tout en douceur vénéneuse avec le très attendu "Cloud", par lequel Kurosawa s’écarte de ses traditionnels récits spectraux (quoique…) pour renouer avec le thriller à dimension sociétale. À la base de ce récit, une double fascination du réalisateur : d’un côté pour un fait divers racontant comment des individus inconnus les uns des autres en étaient venus à se rassembler via les réseaux sociaux pour éliminer quelqu’un, d’autre part pour une pratique de plus en plus répandue visant à vivre de la revente d’objets achetés en gros (ceux qui se sentent floués dès qu’une édition DVD/Blu-ray épuisée réapparaît sur Internet avec des prix abusifs, suivez mon regard…). En mixant les deux à des fins de suspense démarrant sur la solitude du particulier pour évoluer vers la cruauté du collectif, Kurosawa ne cherche pas tant à créer l’angoisse via son inimitable science du hors-champ et des échelles de plan qu’à opérer une réflexion pertinente et glaçante sur nos sociétés modernes, toujours plus drivées par l’hyper-connectivité et la compétition marchande.
Son plus gros risque sur ce film – déjà souligné en sortie de projection par certains spectateurs – résidait dans la dimension bicéphale de sa narration, cassant à mi-chemin la dissection de la nature obsessionnelle d’un individu au profit d’une traque impitoyable sur fond d’instinct grégaire. Si l’on peut rester circonspect quant à la nature véritable d’un personnage d’assistant ayant viré du tac au tac en tueur froid (!), la stratégie reste payante pour mieux appuyer la friction électrique entre une vie numérique sous contrôle et un réel analogique où tout n’est qu’aléatoire. Pour le reste, les décors explorés (lofts impersonnels, urbanisme crapoteux, usines délabrées, nature dédaléenne) renouent avec les motifs propres au cinéma de Kiyoshi Kurosawa, jusqu’à une ultime scène qui semble rejouer le point final pré-apocalyptique de "Charisma". En fin de course, s’il ne réussit pas à retrouver cette puissance de sidération qui faisait de "Cure", de "Kairo" ou de "Rétribution"des chefs-d’œuvre absolus, "Cloud" emporte tout de même l’adhésion grâce à son aptitude à prendre le spectateur à contre-pied – une désorientation trop précieuse sur grand écran pour qu’on ne prenne pas soin de la saluer.
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Guillaume Gas Envoyer un message au rédacteur