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Hallucinations Collectives 2025

Hallucinations Collectives 2025 – Bilan : Deuxième jour

Après une matinée ayant offert au public des Hallus une visite guidée et commentée de l’exposition « Melki, illustrateur de vos cauchemars » (dont le vernissage avait eu lieu la veille en sortie de projo de « Cloud »), il était désormais grand temps de rentrer dans le vif du sujet…

THE CHILD

"The Child" de Robert Voskanian - Panorama Films

"The Child" de Robert Voskanian - Panorama Films

Première immersion au sein de la thématique « Trois chemins de l’enfance » et premier film d’un diptyque centré sur l’« enfant-menace » (c’est-à-dire cet élément inquiétant et disruptif au sein du monde des adultes), "The Child" ne fait ainsi pas mystère de son cadre ni de son sujet, a priori en lien avec des codes horrifiques apprivoisés bien avant que "L’Exorciste" et "La Malédiction" ne voient le jour. Cela dit, en découvrant les premières images de la chose, on se rend très vite compte – et pas juste en étant déjà au courant de ses difficiles conditions de production – que le résultat ne relèvera pas du petit film fauché tourné avec passion par des fans amateurs, mais d’un gros nanar opportuniste, torché tant bien que mal par une poignée de gens qui n’avaient aucune connaissance préalable dans le métier et qui ont opté pour le cinéma d’horreur par pur calcul commercial (c’était alors la mode des drive-in).

Soyons cash : ce que l’on retient le plus de ce ratage total est sa bande-son ô combien surréaliste, visiblement torchée par Jean-Michel Bruitage (clin d’œil aux connaisseurs…), en décalage si constant avec les images qu’elle finit par générer d’étranges effets secondaires. À titre d’exemple, en s’acharnant à plaquer sans raison (et sans cesse) des sonorités zarbies de space-opera sur des séquences de tension installées dans un cadre très concret, le réalisateur Robert Voskanian saborde fissa tout espoir de susciter le choc autant que l’angoisse chez son spectateur. Et sa mise en scène a beau être lardée de jeux de lumière variés et de cadrages sophistiqués en mode "Evil Dead", l’incapacité du monteur à savoir les ordonner logiquement donne surtout l’impression d’assister à un charcutage scénaristique sans queue ni tête, et ce en dépit d’une trame narrative d’une simplicité à s’en péter les maxillaires. Tant de choix de mise en scène qui défient la raison à ce point-là, ça suffit à se mettre toutes les cartes en main pour accoucher d’un turbo-nanar à ne jamais regarder pour de bonnes raisons.

HAINE

"Haine" de Dominique Goult - Le Chat Qui Fume

"Haine" de Dominique Goult - Le Chat Qui Fume

Juste après, la rétrospective « Instinct gréguerre » s’est ouverte à son tour sur une impression en demi-teinte… On avait déjà pu se faire une idée du méconnu "Haine" de Dominique Goult il y a quelques années, lors de sa ressortie en Blu-ray sous la houlette de l’éditeur Le Chat Qui Fume, et c’est peu dire que le résultat pouvait laisser un sentiment aussi bien mitigé que prudent. Parce que dans ce seul et unique film traditionnel d’un réalisateur ayant surtout œuvré dans le cinéma X se niche un assemblage de genres et de registres qui, au lieu d’être traités et imbriqués sur le principe des ruptures de ton, sont simplement superposés en temps réel et sans départage.

Le sentiment que l’on a est donc celui d’un film de genre jouant à cheval sur plusieurs genres : un thriller sans en être un, un western sans en être tout à fait un, un drame rural sans prétendre vouloir l’être, une charge sociale sans réellement chercher à l’être. Mais au moins un film marginal au sens littéral, dans lequel un énigmatique motard en combinaison blanche (joué par un Klaus Kinski plus sobre que d’habitude) débarque dans un coin paumé de la campagne française encore endeuillé par le décès d’une petite fille écrasée par un motard inconnu en combinaison noire, et provoque ainsi par sa seule présence un crescendo de haine impulsive à son encontre.

Sur la relecture d’un cadre franchouillard en une sorte de Far West sans autre loi que celle du plus fort, il n’y a ici hélas pas de quoi concurrencer le "Total Western" d’Eric Rochant. D’autant que la quasi-totalité des seconds rôles ne brillent clairement pas par leur relief : aux côtés d’une Maria Schneider qui joue en ayant la tête ailleurs, Patrice Melennec prive son personnage de camionneur beauf et psychotique de toute nuance dès la (curieuse) scène d’ouverture. Mais dans cette perception d’un décor toujours plus resserré et d’une ambiance de série B toujours plus anxiogène, Goult marque quelques points bienvenus, ne serait-ce qu’en immergeant sèchement son audience dans un cadre de xénophobie latente, marqué par la peur de l’étranger et le retour des bas instincts. Si l’on accepte l’idée qu’un film puisse traiter son propos sans prendre de gants et en laissant la subtilité au placard (à l’image du cinéma d’un certain Yves Boisset, par exemple), "Haine" constitue une curiosité inégale mais pas désagréable.

THE ASSESSMENT

"The Assessment" de Fleur Fortuné - Magnolia Pictures

"The Assessment" de Fleur Fortuné - Magnolia Pictures

De leur propre aveu, l’équipe des Hallus a coutume de concentrer ses films les moins « hype » sur les premiers jours du festival (donc ceux précédant le week-end de Pâques), histoire d’axer ses péloches les plus alléchantes sur une période où la fréquentation des salles est susceptible de grimper. La bonne surprise, c’est que cette année, outre un record de fréquentation pulvérisé en six jours seulement, le festival s’est montré particulièrement fréquenté en semaine, y compris sur des séances en journée avec des films de patrimoine méconnus. Il en fut de même pour les premiers signes de la compétition longs-métrages, qui, pour le coup, s’est ouverte sur un film de science-fiction ayant fait son petit effet.

On peut déjà féliciter Fleur Fortuné – moitié du duo Fleur & Manu à qui l’on doit déjà de très beaux clips pour le groupe M83 – d’avoir embrassé l’exercice du premier film en restant fidèle à ses velléités esthétiques et en ayant fait preuve d’un minimum d’ambition. Avec "The Assessment", elle plonge dans un futur ravagé par le changement climatique, où un système totalitaire impose aux futurs parents de passer un test pour prouver leur aptitude à élever un enfant. Durant sept jours, un jeune couple (Elisabeth Olsen et Himesh Patel) se voit contraint d’héberger une évaluatrice (Alicia Vikander) qui, en plus de les observer dans tous leurs gestes et attitudes du quotidien, va surtout les mettre à l’épreuve en adoptant le comportement d’une enfant capricieuse et instable.

Au-delà d’un concept narratif à la "Ex Machina" (dont il reprend d’ailleurs l’actrice principale) où se déroule une série de « tests » dans un espace fermé sublimement high-tech, la réalisatrice lorgne surtout du côté du cinéma de Yorgos Lanthimos avec sa situation de « jeu » tirant vers l’absurde et le malaise grinçant, et sa bande-son constituée de sonorités assez incongrues. Et sur une large partie du métrage, l’exercice fonctionne à plein régime. À l’instar de son confrère grec, Fortuné prend un malin plaisir à étirer certaines séquences jusqu'au point de rupture, jouant en permanence avec nos nerfs, à tel point que l'on finit par se marrer, histoire de simplement relâcher la pression. Le talent n’est cependant pas le même, et le gros bémol du film est hélas à mettre ici : plutôt que de tenir la distance de cette cruelle absurdité jusqu’au bout sans chercher à l’expliciter, la réalisatrice balance en fin de piste un climax trop explicatif qui sacrifie la portée du propos et des perceptions ambiguës sur l’autel d’une émotion un peu trop forcée – en gros, ça fait un peu « fin de film hollywoodien ». En résulte malgré tout un beau film de SF, intime et visuellement magnifique, qui aurait juste pu viser encore plus haut s’il avait laissé son public dans un franc état de réflexion en sortie de projo.

FEMME OU DÉMON

"Femme ou Démon" de Jonas Middleton - Universal Pictures

"Femme ou Démon" de Jonas Middleton - Universal Pictures

Rebelote sur ce constat d’une fréquentation en hausse, avec, pour le coup, un public au rendez-vous pour l’indispensable séance « interdite aux moins de 18 ans ». Si l’on n’aura pas d’explication à donner de ce côté-là (peut-être un effet de curiosité, qui sait…), on aura en revanche pu constater la régularité de notre festival préféré à susciter la satisfaction une année sur deux avec un film à contenu pornographique. L’an dernier nous ayant permis d’entériner "The Fireworks Woman" comme l’un des meilleurs films de Wes Craven (si si, le papa de "Scream" a débuté sa carrière en tournant du X sous un pseudonyme !), ce n’est donc pas avec Femme ou démon" de Jonas Middleton que nos sens ont pu à nouveau être comblés. D’autant que ce film méconnu n’a fait aucun effort pour faciliter son accès aux néophytes.

Au-delà du fait d’apprendre que son réalisateur a œuvré dans le genre en étant financé par des paroissiens de l’Église catholique désireux de bénéficier de réductions d’impôt (enfin une preuve que les grenouilles de bénitier ont le caleçon qui frétille !), le film joue à plein régime sur l’approche fantasmatique du tabou de l’inceste, ce qui aura d’ailleurs valu à la projection d’être prudemment introduite par une cinéphile sexologue, histoire de prévenir les âmes sensibles et d’anticiper d’éventuelles réactions outrées. Cela dit, à l’écran, la cristallisation des fantasmes de son héroïne sexuellement frustrée s’opère sous l’angle de cérémoniaux d’un ridicule à se pendre, où le mélange de sexe explicite et de bacchanale orgiaque à fond dans la boustifaille (notons un climax final digne d’un post-apo horrifique italien des 70’s avec du sexe crado en sus !) suscite moins l’excitation que la nausée. Trop redondante parce que limitée à enfiler ce genre de scène sans rythme ni démarche plastique, la narration achève d’esquinter ce film beaucoup trop lassant et malsain qui, au sein du Cabinet des Curiosités de cette année, passe plutôt pour la curiosité du fond des cabinets. Tant pis, on trouvera sans doute mieux l’an prochain…

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Guillaume Gas Envoyer un message au rédacteur

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