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film-court-villeurbanne -------------------- - Compétition européenne - Bilan

26ème édition du
FESTIVAL DU FILM COURT DE VILLEURBANNE 2005

Bilan de la
COMPETITION EUROPEENNELe cru 2005 de la compétition européenne s'est avéré d'une assez bonne qualité d'ensemble. Soumise au vote du public, elle a vu la victoire méritée du film espagnol "Le Grand Zambini", de Igor Legarreta et Emilio Pérez. Une fois n'est pas coutume, je me laisserai guider par le barème proposé par le festival pour vous livrer mes impressions sur la sélection.

0 – je n'ai pas aimé

C'est avec joie que je suis heureux d'affirmer que cette catégorie est restée vide sur mes plaquettes à l'issue de toutes les projections, ce qui est déjà une belle preuve de la santé globale de cette compétition.

1 – pas mal…

Le court métrage social peine à se renouveler et remplit à lui seul ce niveau synonyme de qualité moyenne. Dans "Black Amour", le Grec Vassilis Yatsis s'attache à une chronique sur les problèmes d'immigration dans une mise en scène académique, parfois naïve, et dans un noir & blanc décevant, presque amateur.

"Le Parasite" (Parasiten), de la Suédoise Lisa Munthe, s'inscrit dans la pure tradition scandinave mais une demi-heure ne suffit pas à aborder efficacement les diverses pistes qu'elle ouvre dans la vie des personnages. Du coup, malgré quelques très bonnes séquences (notamment un touchant jeu de séduction et une dernière minute magnifique qui a le mérite de laisser sur de bonnes impressions), le film ressemble plus au brouillon d'essai d'un long métrage à venir.

Le Belge Nicolas Provost a au moins eu le courage d'utiliser un forme un peu plus expérimentale et underground (dans tous les sens du terme puisque son héros est chauffeur de métro!) pour dresser le portrait d'un Burkinabé en Norvège, dans "Exoticore". Le résultat est parfois digne d'un plasticien donc d'un esthétisme recherché, mais l'ensemble sert inégalement le propos, le laissant parfois au second plan d'une recherche formelle parfois hermétique, malgré certaines séquences poignantes, satires d'un racisme sous-jacent et inavoué – dont une glaciale scène finale où le héros erre dans les rues nocturnes dans un costume de lion. Dommage car le potentiel était là.

2 – j'ai bien aimé!

Film social aussi, mais construit comme un huis clos entre trois personnages désespérés dont on prend l'histoire en route, "Echos" de Michael Ramsauer doit beaucoup à l'interprétation de son trio d'acteurs autrichiens. La mise en scène est certes classique mais efficace, créant une tension en crescendo qui prend aux tripes. Au final, c'est un effrayant constat sur la détresse d'une certaine jeunesse contemporaine.

Egalement basé sur un personnage en plein désespoir, l'Anglais "S'évader" (Breaking Out) de Marianela Maldonado se construit en trois temps: une séquence d'exposition banale, quasi inutile et beaucoup trop étirée, une deuxième partie qui nous plonge littéralement dans l'angoisse de la jeune femme – avec un très bon travail sur le son, la lumière et le montage, et une bonne interprétation de Juliet Seal – et une conclusion exaltante en forme de libération dans un lumineux travelling.

Venu d'outre-Manche également, "Le Perpétuel clair-obscur de Gregor Black" (The Perpetual Twilight of Gregor Black), des Ecossais Huw Davies et Nigel Atkinson, délivre une ambiance intrigante, baignée par un humour singulier et servie par une photo noir & blanc impeccable. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur.

Autre duo de réalisateurs, les Bulgares Mitovski et Kalev nous offrent un court délicieusement burlesque, "Get the Rabbit Back", cultivant un non-sens hilarant dans une atmosphère bigarrée, le tout pouvant aussi s'interpréter comme une critique cinglante de l'art élitiste – en tout cas c'est comme ça que je l'ai compris!

3 – j'ai beaucoup aimé!!

Les pays méditerranéens nous ont régalés avec quatre bijoux. L'Italienne Paola Randi nous a livré une romance très originale dans "Juliette des poubelles" (Giulietta della Spazzatura), drôle, poétique et émouvante, dont on peut seulement regretter l'esthétique crade, difficile à avaler même si elle peut se justifier par le scénario.

L'Espagnol Felix Viscaret ne s'est pas contenté d'une histoire d'amour pour "Chansons d'hiver" (Canciones de invierno) puisqu'il croise avec bonheur les chemins de divers personnages qui subissent tous les séquelles d'un amour perdu, à travers un enchaînement de saynètes où flotte un réjouissant vent de folie mélancolique. Tout n'est pas facile à comprendre et ça finit un peu en queue de poisson – on a l'impression que le réalisateur n'est pas allé jusqu'au bout de son œuvre – mais dans l'ensemble c'est un très bon moment.

Toujours en Espagne, Juan Pablo Etcheverry offre avec "Minotauromaquia" un bel hommage à une des plus grandes icônes de son pays: Pablo Picasso. Il parvient à donner vie aux personnages de ses tableaux, dans une sorte de rétrospective animée de son œuvre où Picasso lui-même est mis en scène, errant dans son labyrinthe artistique, avec sans doute une tentative presque freudienne de pénétrer dans le cerveau du maître – un seul visionnage ne suffit pas à pousser plus loin cette hypothèse!

Theo Papadoulakis se sert d'une autre idole nationale d'un tout autre style, le coureur grec Kenteris, dont la victoire olympique (en 200m à Sydney 2000) sert de toile de fond à "Pilala", film réjouissant sur le mini-chaos que crée un gamin dans son village pour assister coûte que coûte à la course. Le jeune Adipas Damoutsidis fait preuve d'un jeu un peu trop appuyé mais qui finit par coller à l'esprit joyeux du film. Au-delà du côté humoristique, ce court est une belle fenêtre ouverte sur l'identité grecque et sur l'universalité des rêves innocents d'un enfant. Bref de quoi rire avec une petite larme intérieure!

4 – j'ai adoré!!!!

Deux films se partageraient la médaille de bronze si j'avais à dresser un podium car il me serait très difficile de les séparer. Et pour cause: il s'agit de deux fables poétiques, presque muettes, sur l'amour qui lie un garçon et son père, avec à chaque fois la lune comme protagoniste secondaire. Dans "le Grand Zambini" (El Grán Zambini), film espagnol tourné en Bolivie que les spectateurs ont propulsé – nous l'avons déjà dit – au sommet de la compétition, un père cherche à surpasser son nanisme pour retrouver sa fierté et l'amour de son fils… et je n'en dirai pas plus tant ça gâcherait toute la splendeur de l'acte! En tout cas il s'agit d'une belle leçon d'humanité et d’humilité, rendue par une mise en scène et une interprétation pleine de sensibilité et de simplicité.

Du côté belge avec "Sous la lueur de la Lune" (Schijn van de Maan) de Peter Ghesquiere, l'ambiance est bien plus noire mais néanmoins tendre. La photo (où rouges et verts sont saturés) et l'univers artistique créé par divers éléments (costumes, maquillage, effets visuels…) rapprochent ce court fantastique de " La Cité des enfants perdus". On peut même penser aussi à Tim Burton pour le lyrisme sombre ou à "Dark City" pour les couloirs et personnages inquiétants. En clair un beau mélange de filiations (volontaires ou non) qui résument à elles seules les grandes vertus de ce film.

En seconde place de mon classement personnel, "Aveugle" (Blind) se situe entre romance et film social – comme quoi j'en ai finalement trouvé un qui m'a satisfait! Sa grandeur tient surtout dans son extrême justesse, tant dans la mise en scène de l'Allemande Saskia Jell que dans les dialogues ou l'interprétation, avec des applaudissements particuliers pour l'héroïne campée par la touchante et charmante Noa Lucas. Evidemment ça pourrait presque passer pour un tronçon de long métrage non-existant mais la fraîcheur et l'authenticité est telle qu'on pardonne volontiers ce même côté ni-véritable-début-ni-véritable-fin que j'avais pourtant critiqué pour "Le Parasite"! Que voulez-vous, ça ne s'explique pas vraiment, c'est un peu comme la différence entre "Rosetta" des frères Dardenne et "Le Fils" de Amal Bedjaoui! Ca doit s'appeler le talent… ou simplement une question d'identification personnelle qui appartient à chacun?

Enfin, je placerais au sommet de mon podium "Before Dawn", du Hongrois Bálint Kenyeres, d'abord pour sa splendeur à la fois technique (un impressionnant plan-séquence de 13 minutes) et artistique (on a rarement vu une aurore si bien retranscrite sur un écran), ensuite pour l'universalité et l'intemporalité de son sujet, et cette absence de commentaire et d'explication qui donne tout son poids à la situation – en comparant avec "Hic" on se demande si ce n'est pas une spécialité hongroise! Le désespoir, la peur et l'instinct de survie qui se lisent sur le regard final résument ce que chacun pourrait ressentir, n'importe où et n'importe quand, face à des circonstances analogues. Du coup le frisson est inévitable si on parvient à s'ouvrir face à ces images déroutantes. Bravo!

Informations

NB: pour des raisons indépendantes de ma volonté – et indépendante de la volonté des organisateurs – je n'ai pu voir le court métrage lituanien intitulé "Blanc sur bleu" (Baltos demes melyname).

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur