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FILM COURT VILLEURBANNE 2009 – Bilan programme expérimental

Séance Découverte expérimentale

En novembre 2009, le Festival du film court de Villeurbanne fêtait sa 30ème édition. Au passage, je tiens à remettre les choses au clair : c’était donc le 29ème anniversaire du festival et non le 30ème comme c’est généralement mentionné partout dans de telles circonstances ! Mais si, réfléchissez bien : lors de la 2ème édition, ça faisait un an que le festival existait, n’est-ce pas ? Donc c’était le premier anniversaire pour la 2ème édition. Reportez d’année en année et on obtient bien le 29ème anniversaire pour la 30ème édition. C’est la même logique que pour les poteaux et les intervalles dans une clôture !Bref, c’était donc la 30ème édition du festival et, en son sein, la séance de découverte expérimentale remettait le couvert pour la 10ème fois consécutive (9ème anniversaire donc) avec, toujours aux manettes, Julien Ronger et son éternelle envie de défendre ce cinéma à part (entière). Pour cause de faux 10ème anniversaire, notre cher militant expérimental avait décidé de changer un peu la formule : pas de thématique mais un choix personnel de films produits pendant la décennie écoulée, avec pour titre générique « Ad Libitum ». Sans le dire, c’est bien une sorte d’histoire du temps présent expérimental qu’il nous proposait ainsi. Comme d’habitude, j’en sortais avec enthousiasme, ravis (et presque fier) d’avoir su saisir un de ces moments rares qui nous mettent en contact avec ce cinéma toujours trop méconnu (voire méprisé). Comme d’habitude aussi, je dois bien avouer que mes préoccupations personnelles n’ont pas la défense du cinéma expérimental comme priorité (donc, finalement, pas de quoi être fier de le soutenir une fois par an !).

Quelques jours s’étaient ensuite écoulés et je me remémorais cette séance. Alors, avec le recul, un effroi s’est emparé de moi (oui, j’exagère un peu mais ça le mérite !) : malgré la qualité de la programmation, malgré l’acharnement de Julien pour défendre ces films, et malgré le plaisir sincère que j’avais pris à les visionner (ainsi que bien d’autres spectateurs j’en suis persuadé), il y avait quelque chose qui clochait. Je me rendais compte que les inquiétudes de Julien à propos des dangers de disparition d’un tel cinéma se doublaient d’un autre problème, peut-être encore plus vicieux. En effet, est-ce qu’il y a encore un sens au terme de « cinéma expérimental » de nos jours ? N’est-on pas arrivé au bout d’une impasse qui se rétrécit non seulement par manque de visibilité mais aussi, peut-être, par épuisement de la créativité ? Revenons sur la séance : qu’est-ce que « Pan of the Landscape » de Christopher Becks apporte de plus par rapport aux films de Brakhage ? Je ne nie pas la beauté et la qualité du film mais son caractère expérimental. Le cinéma expérimental n’a de sens et d’essence que s’il cherche de nouvelles voies. Or cette nouveauté, cette expérimentation, semble s’évaporer en partie. Le même constat peut s’appliquer au « Cécile Fontaine vs Dany Brillant » de François Rabet : par auto-citation, et par un système de quasi-private joke, le cinéma expérimental ne risque-t-il pas de tourner en rond ? Et donc de se muséifier lui-même… La quasi-totalité des 7 films présentés ce soir-là paraissent tomber plus ou moins dans cette dérive, malgré, je le répète, la qualité intrinsèque de ces œuvres.

Evidemment, il reste le plaisir sensoriel, l’enthousiasme que peut aussi provoquer la volonté de pousser indéfiniment les techniques les plus usées. Parfois, ça provoque d’ailleurs un véritable festival qui part dans tous les sens, notamment chez Patrick Bokanowski, qui signe, avec « Battements solaires », un film fascinant tant pour la multiplicité des choix visuels que pour l’atmosphère qu’il parvient à insuffler, aidé par les créations sonores de Michèle Bokanowski (épouse de) et par la pyrotechnie de l’excellent collectif Groupe F. Mais ceci est-il suffisant pour sauver le cinéma expérimental et contribuer à le faire avancer encore et toujours ? Finalement, il n’y a qu’une œuvre qui m’a semblé apporter la preuve d’une possible poursuite (véritable) des expérimentations : « V=D/T » d’Amanda Dawn Christie. Par une alliance entre recherche visuelle et détournement des procédés habituels de narration, la réalisatrice signe un bijou hybride entre l’auto-documentaire et la fiction, tout en provoquant émotion et ivresse formelle. A elle seule, Amanda Dawn Christie symbolise l’espoir de cette nouvelle génération délaissée du cinéma expérimental. Ceci peut apparaître comme un bilan plutôt maigre, mais il suffit à garder un minimum de confiance pour l’avenir du cinéma. Alors ? Creativity’s not dead ?…

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Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur